Même si la soirée avait mal démarré, elle s'est très bien terminée grâce à la générosité de Tinariwen et l'exceptionnel public qui est rentré avec plein d'étincelles dans les yeux, des papillons dans la tête et du baume au cœur. Après six jours de conférences, de projections et beaucoup de musique, le festival culturel international de la musique diwane a pris fin, organisé au théâtre de Verdure du bois des Arcades (OREF), avec un concert mémorable du groupe Tinariwen, qui s'est produit, pour la première fois, à Alger. Cette formation qui reste authentique, chantant ainsi en tamasheq, a créé une ambiance exceptionnelle avec ses sonorités qui empruntent au blues et au rock ses plus belles mélodies. Les spectateurs se sont déplacés en masse, venant ainsi voir la prestation d'un groupe dont tout le monde, mais personne ne comprend réellement les textes, mis à part les privilégiés qui s'expriment en tamasheq. En tout cas, le public était au rendez-vous et il a laissé exprimer sa joie, a exulté, s'est libéré. Pourtant, le début de la soirée ne présageait rien de bon. À dix heures déjà, une foule était postée devant la porte d'entrée avec des billets en poche, mais l'agent de sécurité devant cette porte était ferme et catégorique : “Personne ne rentre même pas les journalistes”, qui ont pourtant des badges leur permettant même d'accéder aux coulisses. À côté de nous, un journaliste de la radio qui se voit refuser l'accès au théâtre bien qu'il ait été à l'intérieur et qu'il soit sorti juste pour quelques minutes. Les mesures de sécurité, ce soir-là, étaient draconiennes, et on constate, une nouvelle fois, qu'il nous reste beaucoup de choses à apprendre dans la gestion des foules. Car maintenir les gens à l'extérieur du théâtre n'a fait qu'augmenter leur excitation. Heureusement, aucun débordement n'a été constaté. En tout cas, le public a été réellement à la hauteur ; pas uniquement lors de la clôture, mais durant tout le festival. D'ailleurs, le besoin de danser, de se défouler, d'extérioriser les frustrations était largement évident. Une fois installés, les spectateurs ont commencé à s'impatienter, et c'est à ce moment que le sympathique animateur, Hichem Mesbah, a fait son apparition sur scène, pour remercier tous ceux qui ont contribué à la tenue du festival et pour annoncer le programme de la soirée. Il a également annoncé la projection d'un documentaire de vingt minutes en hommage à Maâlem Ben Aïssa, fondateur du groupe Diwan Dzaïr, goumbriste de talent, disparu en 2008. Le documentaire a permis de [re]découvrir le talent et la simplicité de Maâlem Ben Aïssa. Mais le public n'était pas attentif à ce documentaire, puisque certains continuaient de s'installer. Une douloureuse indifférence ! Aux premières notes de la guitare électrique d'Ibrahim ag Alhabib, le public a envahi la scène. Une marée humaine. Mais il est très difficile de rester indifférent à la musique du groupe Tinariwen. Même si certains récalcitrants restaient scotchés à leur place, ils ne pouvaient s'empêcher de taper des mains ou de se dandiner, tant la musique de ce groupe — qui a représenté l'Algérie lors du concert inaugural de la Coupe du monde, le 10 juin dernier à Johannesburg — invite à la fête et à la communion. À un moment de la soirée, les spectateurs ont initié une belle cacophonie : alors que certains criaient “les Algériens”, d'autres hélaient à tue-tête “Tinariwen”, et d'autres encore scandaient “Imazighen”. Et l'ambiance repartait de plus belle ! Il en a été ainsi jusqu'à la fin de la soirée et le retour de Hichem Mesbah que les spectateurs ont fini par trouver sympathique puisqu'il les a aidés à bisser les artistes qui, très généreux, sont revenus offrir une dernière chanson… à emporter ! En somme, et même si la soirée avait mal démarré, elle s'est très bien terminée, grâce à la générosité de Tinariwen et à l'exceptionnel public qui est rentré avec plein d'étincelles dans les yeux, des papillons dans la tête et du baume au cœur.