Durant ce mois sacré de Ramadhan qui se caractérise par le jeûne mais aussi : “…Celui au cours duquel le Coran fut révélé pour servir de bonne direction aux gens, d'explications claires aux préceptes (divins), de critère à la vérité et à l'erreur.” Coran, 185-2. C'est donc l'opportunité pour les musulmans de faire le point sur leur situation aujourd'hui et leur devenir demain. C'est pourquoi, je propose, aux lecteurs francophones du journal Liberté, une analyse partagée pour répondre à la question : comment se fait-il que les musulmans se trouvent en majorité, aujourd'hui, dans des régions qui connaissent des retards notables dans le développement ? Pour répondre à cette question, je viendrai à vous chaque jeudi avec les cinq sujets suivants : la rapidité de l'expansion de l'Islam au début, l'organisation sociale, l'organisation économique, la méthodologie du Coran dans la résolution des problèmes complexes et la réponse finale à la question posée. J'avertis clairement qu'il ne s'agit pas du travail d'un exégète mais de l'effort d'un citoyen musulman sur un sujet intéressant à une occasion propice. En l'espace de quelques décennies, l'Islam, parti du cœur de l'Arabie, a rayonné sur une grande partie de l'humanité connue à l'époque, à savoir des confins de l'Espagne à l'Ouest, au Sind à l'Est. À cet égard, jamais le monde n'avait connu une adhésion aussi fulgurante que fut l'expansion rapide que constituait l'Islam à ses débuts. Les critiques formulées alors par les étrangers à l'Islam se sont contentées d'expliquer ce phénomène d'expansion rapide de cette religion en soulignant l'utilisation de l'épée comme arme de conversion. Ces mêmes critiques d'ajouter que les guerriers de la foi musulmane se présentaient avec une épée dans une main et le Coran dans l'autre. Dans l'ensemble, un tel raisonnement procède d'un stéréotype qui nie une réalité historique, au profit d'une approche sectaire et partiale, conduisant à ignorer ce que l'Islam s'est attaché à préserver à travers la continuité de la foi, à savoir l'existence et la mission remplie par les prophètes antérieurs que sont Abraham, Moïse et Jésus.“Ceux qui croient à ce qui t'a été descendu (révélé) et à ce qui a été descendu avant toi et qui croient fermement à la vie future.” 2-4. Dans cet ordre d'idées, l'histoire des évènements anciens ou contemporains, tout comme l'histoire de l'Algérie nous ont démontré que l'épée n'est pas une méthode de conversion efficace et durable. L'Algérie, qui a connu des invasions multiples telles que celles des Romains, des Vandales, des Phéniciens, ou même la colonisation française, n'a pas pour autant été convertie aux religions de ses conquérants. En fait, l'Islam s'est rapidement développé et s'est enraciné par la nature simple et directe de son message. L'Islam a offert une religion d'une simplicité étonnante. Dans son essence : un Dieu, un Livre, un Prophète. Chaque musulman a un accès direct à Dieu, au Livre et, à travers lui, au Prophète. La conversion est simple, il suffit de déclarer sa foi : “Je témoigne que Dieu est unique et que Mohammed est son Prophète” et je suis musulman comme tous les autres musulmans qui m'ont précédé dans la chahada ! De même, l'accent mis sur l'égalité des peuples, sans distinction de race ou de tribu par la religion, a été ressenti comme une bouffée d'air frais, aussi bien au sein des empires persans, byzantins que romains. C'est ainsi que les tribus ou les nomades vivant dans ces contrées ont adhéré à l'Islam avec une aisance historique. Tel fut le cas des Amazighs d'Afrique du Nord, des Bédouins et des Kurdes du Moyen-Orient, des tribus afghanes et du sous-continent indien en Extrême-Orient. Le Coran n'a pas été révélé en un seul bloc. Il a été dicté au Prophète, verset par verset, dans des situations précises, pour enseigner des attitudes, des comportements et pour apporter des solutions à des problèmes concrets de la vie de tous les jours (dounya). C'est ce qui caractérise également les enseignements pour approfondir la foi et les croyances (dine).L'Islam a procuré un équilibre vivifiant entre les affaires du monde et celles de la religion. Il embrasse toute la personnalité humaine, aussi bien les besoins spirituels de l'homme (dine) que leurs implications temporelles (dounya). Le dine concerne des croyances (aquayd ou iman) et des pratiques cultuelles ; c'est également croire en Dieu, ses anges, ses livres, ses prophètes et le jour du jugement dernier. Dieu est unique et transcendant. Dans la sourate, “le monothéisme pur”, Dieu nous éclaire : “Dis : Il est Allah. Unique. Allah. Le Seul à être imploré pour ce que nous désirons. Il n'a jamais engendré, n'a pas été engendré non plus. Et nul n'est égal à Lui.” Il n'y a pas d'appropriation du dine. Il n'y a pas de peuple élu, il n'est envoyé ni à une terre ou à une région déterminée, ni à une catégorie sociale, ni à un sexe déterminé. Dieu nous dit : “Qu'on exalte la bénédiction de celui qui a fait descendre le Livre de Discernement sur Son serviteur afin qu'il soit un avertisseur à l'univers.” 24-1. De ces croyances découlent des pratiques cultuelles qui sont les cinq piliers de l'Islam. La chahada atteste que Dieu est unique et que Mohammed est son Prophète. Comme l'iman est un engagement, on doit attester en permanence de cet engagement. La prière remplit au moins trois fonctions. D'abord, je crois en Dieu, je dois lui rendre compte régulièrement de cette croyance, cinq fois par jour, à des intervalles réguliers et selon des rites précis. De ce fait, la prière préserve du péché et du mal. Ensuite, c'est une façon de se détacher de la servitude des hommes. Le croyant ne craint que Dieu et ne craint aucun homme. Enfin, la prière peut être individuelle ou en groupe. Dans ce dernier cas, elle favorise la rencontre à la mosquée avec le même but de rendre compte à Dieu de l'état d'exécution de ses commandements ; ce qui crée un lien de solidarité entre les musulmans. La zakat peut être considérée comme un impôt de solidarité. Elle consiste à prélever dans les biens de chaque musulman une partie destinée, en priorité, à ceux qui en ont besoin, aux fins de faire disparaître, à terme, les inégalités sociales.Le saoum (jeûne). La faim qui en résulte peut être expliquée comme une initiation avant le partage si difficile des biens.Le hadj (pèlerinage à la Mecque). Il peut s'expliquer comme le congrès annuel des musulmans. Il procède du même principe, à savoir la réconciliation du genre humain : toutes les ethnies, toutes les catégories sociales, hommes et femmes, y sont représentées dans l'égalité. Comme il est facile de le constater, l'Islam se base sur des croyances et des pratiques cultuelles pour que ces croyances ne restent pas seulement théoriques ou passéistes. Avec cette clarté et cette simplicité de l'Islam, l'on peut se poser la question : comment se fait-il que les musulmans se trouvent en majorité, aujourd'hui, dans des régions qui connaissent des retards notables dans le développement ?Nous proposerons une réponse à cette question dans la dernière contribution. À jeudi prochain pour discuter de la dimension.