Elle est née avant la “Hamoud”, bien avant, je ne sais pas quand mais je la soupçonne d'avoir été mise au point un jour de grande chaleur, de sirocco, quelque part sous les murs de Gharnata. C'est vous dire qu'elle n'a pas toujours été la boisson des humbles. Elle a d'abord été celle des princes et a probablement vu le jour dans les cuisines feutrées de la cour. Breuvage des pauvres et des zaoualis, la “cherbet” est un peu la Wolkswagen des écuries de course. Elle roule à son rythme, sans se soucier de désign et de performance, l'important est de rafraîchir les gosiers. Elle est indémodable. Et en plus, simple et rapide à préparer et ne nécessite ni colorants ni ingrédients particuliers et encore moins de contrôle à la pasteurisation. La recette tient en trois mots : de l'eau plate, une rondelle de citron et un zeste de sucre cristallisé et le tour est joué. Au point qu'il existe aujourd'hui autant de variétés de cherbet qu'il ya de foyers. Une famille ajoute un arôme, une autre un peu d'orange, une troisième du “mazhar” et ainsi de suite jusqu'à ce que chaque mixture constitue presque un ADN en matière de gazouze capable de distinguer un gourbi d'un autre. Avec ce mois sacré du jeûne et bien sûr l'attrait irrésistible du gain, des mômes dans les villages de la côte ont appris après le “matlouh” à vendre aussi des cherbet maison. La pratique est nouvelle. Elles sont de toutes les couleurs, ces limonades, après leur mise en bouteille dans les haouchs et sont disposées bien en vue sur des tables en bois pour attirer les regards gourmands des passants. Il n'y a ni secret, ni alcôve. Un jour, ces familles qui ont perdu leur âme vendront peut-être des boîtes de “hrira” ! M. M.