Le royaume de Belgique n'a toujours pas de gouvernement, trois mois après les élections législatives marquées par le triomphe des indépendantistes néerlandophones de la Flandre. Elio Di Rupo, chef de file des socialistes francophones qui ont remporté l'élection en Wallonie, chargé par le roi des Belges de mener les négociations en vue de la formation d'un gouvernement, a eu toutes les peines du monde à obtenir les compromis nécessaires. Il a fait état de son échec au roi de poursuivre les négociations et de persévérer. Dès le lendemain de son entrevue avec le roi, M. Di Rupo, pressenti pour être le Premier ministre du futur gouvernement, a mis en garde les parties qu'il considère comme responsables de l'échec des négociations. Sa mise en garde s'adressait aux deux principaux partis flands, la Nouvelle Alliance Flamande, le parti indépendantiste arrivé en tête du dernier scrutin législatif dans la partie néerlandophone du royaume, et les chrétiens démocrates flamands arrivés en deuxième position. Ces deux formations ont refusé, la semaine dernière, une proposition de compromis sur l'avenir institutionnel et financier du pays, qui devait servir de base à la formation d'un gouvernement de coalition. Cette proposition visait à assurer des transferts financiers de l'Etat fédéral au bénéfice de la région de Bruxelles, majoritairement francophone et lourdement déficitaire. Ledit transfert serait de 500 millions d'euros par an. En contrepartie de cet effort financier, les francophones devaient, selon les termes du compromis, renoncer à des droits linguistiques spécifiques dans la périphérie flamande de la capitale et accepter un transfert important de compétences de l'Etat fédéral vers les régions, conformément aux demandes réitérées des néerlandophones. M. DI Rupo a émis l'espoir que “la raison finira par l'emporter”, mais les deux principaux partis flamands refusent toujours de donner “un chèque en blanc” à Bruxelles. Aussi, le chef de file des socialistes français a-t-il averti qu'il y a un risque de “chaos politique” dans le pays, si la partie flamande campe sur ses positions et rejette toute forme de compromis, comme c'est encore le cas à ce jour. Il a notamment insisté sur l'“urgence” à doter le royaume d'un gouvernement et à assainir les comptes publics du pays. “C'est une obligation morale si l'on ne veut pas laisser le pays aux mains des spéculateurs”, a-t-il dit, sans omettre de brandir la menace qui pèse sur la Belgique d'emboîter le pas à la Grèce en subissant de plein fouet une crise similaire à celle qui a frappé récemment ce pays du sud de l'Europe. Si un accord n'est pas possible entre les partis francophones et néerlandophones pour mettre sur pied un gouvernement, “les partis qui refusent un compromis équilibré vont plonger notre pays dans l'aventure, voire le chaos politique”, a encore déclaré celui qui est pressenti comme futur Premier ministre, mais dont le gouvernement ressemble plus à un mirage qu'à une réalité. Bien entendu, en cas d'échec définitif avéré, hypothèse tout à fait plausible, il en fait porter la responsabilité à la partie néerlandophone qui refuserait, selon lui, de se suffire des nombreuses et importantes concessions de la partie wallonne. Dans tous les cas, malgré la ténacité du roi qui y croit encore, la Belgique est plus près de l'implosion que de l'unité. Pour éviter un pourrissement de la situation, le roi des Belges Albert II a agi vite en désignant dès samedi soir deux médiateurs, les présidents de la Chambre des députés et du Sénat. Ils auront pour tâche de renouer les fils du dialogue. “Ceci est nécessaire pour préserver le bien-être économique et social des citoyens et pour réformer durablement nos institutions”, a dit le souverain dans un communiqué. Ce choix n'est pas anodin : le président de la Chambre, le socialiste André Flahaut, et celui du Sénat, Danny Pieters, membre du parti indépendantiste flamand NV-A, représentent les deux principales formations des deux grandes communautés du pays.