Le procureur pourrait décider de saisir la justice ou d'envoyer les journalistes pour être entendus par la police. Ali Dilem, Abrous Outoudert et Mohamed Benchicou, respectivement caricaturiste de Liberté, ex-directeur de publication de ce journal et directeur du quotidien Le Matin, ont reçu, hier matin, une troisième convocation émanant des services de la police judiciaire pour être entendus dans ce que le parquet a qualifié de délit de presse. Comme annoncé la veille, lors d'une conférence de presse, Ali Dilem, Mohamed Benchicou, ainsi que Farid Alilat ont décidé de ne pas se présenter au commissariat central considérant que les délits de presse ne sont pas du ressort de la police judiciaire. Me Miloud Brahimi, présent à la conférence de presse, avait, en effet, indiqué que, dans un Etat de droit, aucun journaliste n'est interrogé par la police étant donné que celui-ci n'est ni un voyou ni un terroriste. Pour Ali Dilem, le refus de se présenter à la police ne doit pas être assimilé à un mépris, mais il a déclaré avoir “confiance en la justice algérienne”. D'ailleurs, la décision a été prise de ne répondre que devant le juge d'instruction quand il s'agit d'articles ou de dessins de presse. Cependant, il est à craindre, aujourd'hui, que sur instruction du procureur de la République, la police ait recours à la force. À savoir se présenter avec un mandat d'amener au domicile du journaliste pour le conduire devant le procureur. On sera ainsi placé devant deux scénarios. Le premier consistera à saisir la justice, soit par le biais d'une citation directe devant le juge soit en différant le journaliste devant le juge d'instruction. Le second peut conduire le procureur de la République à envoyer les journalistes pour qu'ils soient entendus par la police. Ce qui constitue en soi un retour à la case départ. Ali Dilem reste confiant et mobilisé pour faire éclater la vérité. “On ne peut pas se taire quant il y a péril en la demeure, j'ai cette conviction, une seule, c'est l'Algérie”, a dit, hier, le caricaturiste. “Je suis prêt à aller en prison. Je n'ai pas eu peur face à la menace islamiste et je n'ai pas peur de la police de Zerhouni”, poursuit Ali Dilem. Ce n'est pas la première fois que Dilem fait l'objet de pression, notamment depuis les amendements du code pénal (articles 144 et 144 bis) où les dessins de presse sont cités pour protéger la personne du Président ainsi que les hauts responsables de l'Etat. Pour le directeur du journal Le Matin : “Le ministre de l'Intérieur use des moyens de l'Etat pour sanctionner un directeur de journal et il l'a publiquement déclaré. Ce sont les journaux qui se sont montrés hostiles à la ligne politique du Président qui ont refusé la concorde nationale que l'on sanctionne. Nous avons accompagné, et nous ne le regrettons pas, le mouvement citoyen, nous avons ouvert la porte de notre journal à un citoyen venu témoigner de la pratique de la torture par Zerhouni.” Contacté hier, en fin de soirée, Abrous Outoudert, tout en estimant que la presse indépendante s'est désormais habituée à ce genre de pratique, se déclare solidaire : “J'assume tout ce qui a été fait par mon équipe même si je ne suis plus directeur de Liberté”, a-t-il dit. S. T.