Entre l'Egypte et l'Algérie (le pays des Pharaons a eu l'insigne honneur de figurer le premier pour des considérations relevant de son histoire plus ancienne et aussi par nostalgie faite en catimini à Oum Dounia), il a toujours été question de leadership en politique et de suprématie en sport, principalement le football. Au moment où la grande Egypte était dirigée par le tout-célèbre et très puissant Djamel Abdennacer, l'Algérie était gouvernée par le tout jeune révolutionnaire mais très futé Houari Boumediene. Au moment où El-Khattib était déjà Ballon d'or africain, côté égyptien, l'Algérie avait en gestation un certain Belloumi, prêt à le suppléer sinon le devancer à distance. On se surveillait. On se jalousait déjà. On copiait parfois, pensant mieux faire que le frère aîné ou celui cadet. C'est, selon, et à qui échoirait cet honneur de bien commencer ! De provoquer parfois indirectement l'autre. L'Egypte est très jalouse de son histoire ancienne, l'Algérie l'est tout autant pour sa Révolution glorieuse. Les deux nations restent intraitables sur certains aspects touchant à leur souveraineté et historicité. Le pays des Pharaons lorgne du côté des touristes pour bâtir son économie, en Algérie, c'est plutôt le brut qui fait tout pour le pays et assure cette carrière dorée à ses anciens dirigeants, carriéristes indétrônables, encore en poste malgré le poids des ans et les nombreux changements opérés de par le monde de la politique. L'Egypte, de son côté, est très sceptique au changement en haut de la hiérarchie. En un demi-siècle, elle n'a eu recours qu'à trois présidents dont deux emportés par la mort alors qu'ils étaient encore en fonction. Au plan politique, le raisonnement est pratiquement le même : continuer sur leur lancée en recourant aux mêmes responsables et aux mêmes procédés et autres pratiques en vigueur. Mais en politique internationale, l'Egypte est plutôt un cran au-dessus. Son jeu de coulisses est plus performant. Elle dérive des scénarios propres à son cinéma, autrefois le mieux coté, côté arabe. Et c'est là où elle sait le plus dribbler. Sans jeu de mots et sans ballon ! Un jeu avec lequel l'Algérie ne peut rivaliser. Et c'est d'ailleurs vers le football que cette dernière s'est dirigée, pensant faire la différence sur ce terrain à l'air libre et plus grand. Mais aussi reprendre à son frère aîné ce terrain perdu durant ces longues années de redéploiement de sa politique et repositionnement de son régime politique qui s'est, depuis, éclipsé pour un temps suffisamment long. Si au plan politique, les deux pays ont chacun son propre terrain de chasse et autres viviers d'où sortiront toutes les solutions dénouant ces écheveaux et puzzles, parfois dangereux et inextricables, c'est sur le plan footballistique que les chocs sont souvent si permanents, percutants et très méchants, débordant bien souvent de leur cadre et leur nature sportive admise sur les terrains de foot et dans les coulisses de leurs protocole et administration. C'est de là, d'ailleurs, que tout est remis en question. De là, également, que tout bifurque sur d'autres terrains de jeu jusque-là baignant dans le fair-play le plus total et le plus calme malgré ces vents occasionnels qui réveillent de temps à autre des démons tout indiqués, pouvant servir de vraies étincelles, rapidement éteintes ou mise en hibernation. Et comme le foot lève les foules et leurs sentiments directs envers l'adversaire du jour, hier encore pour ce frère aîné ou cadet, il le fait également au sujet de certains secrets à peine voilés tenus toujours en perpétuel éveil, sinon comme carte à jouer le moment opportun ou tout juste voulu. Dans ce jeu franc et direct, c'est plutôt l'Algérie, pays frère de l'Egypte, son frère cadet, allais-je dire, qui prend le dessus, côté confrontations entre les équipes nationales des deux pays au plan continental et international, même si l'Egypte demeure cette nation africaine la plus titrée du continent. Dans leurs confrontations directes, entre clubs des deux nations, l'Egypte est bien une bonne longueur devant le reste des équipes algériennes. Là, l'histoire y est vraiment pour quelque chose pour faire décaler au second rang ces clubs algériens ayant pour nom JSK, MCA, ESS, MCO, USMA et autres encore. Le Ahly, El Ismaïly et le Zamalek, pour ne citer que ceux-là, du côté des Egyptiens, sont tous des clubs bien considérés sur le continent. Le tirage au sort des éliminatoires de l'actuelle édition (2010) de la Champions League africaine, faisant jouer les deux premiers clubs égyptiens sus-cités dans le même groupe que la JS Kabylie constituait déjà un vrai remake de cet arrière-goût de ce qui s'était passé juste quelques mois auparavant entre les formations nationales des deux pays en question. Vraiment, il y avait de quoi avoir peur du côté de la JSK. C'était à qui allait échoir la chance de prendre sur son adversaire du jour cette bonne longueur d'avance, sinon refaire au plus tôt le retard accusé entre-temps en prenant sa toute nécessaire revanche. Et en matière de revanche, les Kabyles étaient bien placés pour le faire même si personne avant leur mémorable aventure ne leur accordait la moindre chance. Cette chance-là, il fallait la saisir, la provoquer, l'investir et longtemps l'entretenir pour se tenir prêt à honorer l'évènement de choix. Héroïques, les Kabyles se sont joués de tous les pronostics pour clouer au pilori ces “arrogants” Ahlaouis et ces tout de même reconnaissants Ismaïlis. Les premiers, battus à la maison et tenus ensuite en échec chez eux, tandis que les seconds, dominés à l'aller comme au retour grâce à ce football total et clairvoyant. En douze points possibles, la JSK en avait engrangé déjà dix, compte largement suffisant pour accéder en demi-finale sans même avoir à disputer les deux autres rencontres programmées avec son troisième adversaire dans le même groupe. Avec uniquement des joueurs du cru, la JSK venait de réussir là où pourtant en Coupe d'Afrique des nations, l'Algérie, énervée par les hostilités de l'arbitre, certes, et constellée de ses étoiles brillant outre-mer, avait bel et bien échoué contre ce même adversaire, aujourd'hui, légèrement amoindri, vu que le Ahly compte près de 80% de l'effectif des Pharaons, relançant plus que jamais ce débat continu et parfois confus sur le statut de l'athlète algérien dans sa version introvertie et extravertie, dans son côté amateur ou professionnel. Devant pareil exploit ,salué bien bas par ceux-là même adversaires du jour comme d'autrefois et de toujours – résultat sur le terrain de vérité oblige —, on ne peut, à notre tour que leur souhaiter bonne chance. Cela dénote au moins deux indices non négligeables jusque-là peu révélés en public et au public : - Notre renouveau footballistique né de ce déclic sur le plan international de notre équipe nationale - La non-vulnérabilité de ce produit local longtemps sous-estimé au plan qualitatif sur la scène internationale. Encore une fois, mille bravos à ces Kabyles qui nous ont merveilleusement séduits et démontré par là que le travail fait en club est tout aussi valable que celui réalisé au niveau des plus grandes équipes du continent. Avec ces jeunots pétris de qualités, l'espoir revient de nouveau. L'avenir est probablement tout tracé avec ces succès en série collectionnés sur et en dehors des terrains d'Algérie. * Slemnia Bendaoud est universitaire et écrivain. Il est notamment l'auteur de le Football algérien : gloire et déboires, paru en France et en Algérie.