Le rendant soudainement compte du poids de l'Algérie dans la région, la France semble s'être résignée à solliciter le soutien de l'Algérie pour régler cette affaire de prises d'otages français par la mouvance terroriste Al-Qaïda au Maghreb islamique. C'est du moins ce que laissent penser les différentes déclarations de personnalités et d'analystes français. Le ton a été donné par le ministre français de la Défense, Hervé Morin qui a affirmé jeudi que “nous avons une coopération en matière de renseignement avec nos amis algériens” qui sont “extrêmement mobilisés dans la lutte contre le terrorisme”. Ainsi, Paris tient à montrer à quel point il considère l'Algérie comme un acteur incontournable. Il faut dire que la tension, qui a caractérisé les relations entre les deux pays, a quelque peu baissé comme l'indique le président de la commission des affaires étrangères à l'Assemblée nationale, Axel Poniatowski, dans sa déclaration suivante : “On en est à une relation stabilisée (...) : cela ne se détériore plus mais il reste des obstacles”. Et d'ajouter : “Ce qui est très réel, c'est qu'il existe un véritable intérêt commun à coopérer activement dans la lutte anti-Aqmi.” Ceci dit, l'Algérie n'a toujours pas digéré d'être inscrite par la France sur la liste des pays à risques pour les transports aériens ou l'appui de Paris à un plan d'autonomie marocain au Sahara occidental. Quant à la France, elle accuse toujours Alger de protectionnisme suite à des mesures pénalisant ses entreprises. En revanche, plusieurs dossiers se sont dénoués, dont celui d'un diplomate algérien récemment blanchi par la justice française à la grande satisfaction d'Alger. En dépit de cela, et même aux plus forts moments de la crise entre les deux capitales, la coopération dans la lutte antiterroriste ne s'est jamais interrompue, indiquent responsables et experts. Jean-François Daguzan de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) estime que “l'Algérie est un acteur fondamental. Son atout, c'est d'avoir Aqmi chez elle. Dans la région, c'est le pays le plus puissant, le plus riche, le plus grand”. Ces propos sont corroborés par Kader Abderrahim de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), qui a souligné que “le régime algérien a longtemps infiltré ces groupes, il a les moyens d'agir, l'envergure diplomatique et l'expérience militaire”. Il insistera sur le fait que “les Algériens n'ont pas attendu les enlèvements dans le Sahel pour agir sur leur flanc sud”, sans oublier de rappeler qu'Alger avait “été un intermédiaire important sur la question des Touareg”, nomades qui sillonnent la vaste bande sahélo-saharienne où opère Aqmi. Pour justifier l'utilité de cette coopération algéro-française contre le terrorisme, Alex Poniatowski expliquera que “la France a des dispositifs déployés dans les pays du Sahel, notamment en Mauritanie : elle a des moyens qu'elle peut échanger avec l'Algérie”. Résumant la situation, Khadija Mohsen-Finan de l'Institut français des relations internationales (Ifri), dira que cette coopération est aussi pour le président Abdelaziz Bouteflika le moyen de voir reconnu son “rôle de leader régional”. Pour rappel, Alger a créé en avril un poste de commandement à Tamanrasset (Sud) pour coordonner les activités de son armée avec celles de la Mauritanie, du Mali et du Niger. Et en dépit de rivalités entre ces pays, une réunion ministérielle y a eu lieu cet été. La transmission récente d'un renseignement sur une “menace imminente” d'attentats sur le territoire français est “peut-être pour l'Algérie une manière de faire appuyer sa lutte contre Aqmi”, observe Mme Mohsen-Finan. Dans le même temps, l'Algérie qui cherche des soutiens pour éliminer toute menace islamiste contre son régime, n'est pas prête à toutes les concessions. En effet, “elle ne veut pas voir de forces armées sur son territoire. Il y a un problème de souveraineté exacerbée qui fait qu'à un moment, ça bloque”, conclut M. Daguzan. Enfin, le chef d'état-major des armées a déclaré hier que la France est prête à “engager le contact à tout moment” avec la branche maghrébine d'Al-Qaïda, qui a revendiqué l'enlèvement de sept personnes dont cinq Français au Niger, tout en excluant pour l'instant une intervention militaire.