La France est en alerte. Le président Sarkozy, rentré en urgence de Bruxelles, a réuni vendredi ses services. Le plan Vigipirate est au niveau “écarlate”, soit l'avant-dernier degré qui marque le risque imminent d'attentats terroristes. La banche d'Al-Qaïda au Maghreb avait menacé de s'en prendre à la France et à ses intérêts à l'étranger… Un groupe de sept personnes, dont cinq Français, travaillant pour la compagnie française du nucléaire et pour une société sous-traitante ont été enlevés dans la nuit de mercredi à jeudi dans le nord du Niger. Les deux salariés français d'Areva, un homme et une femme, ont été enlevés près d'Arlit, la capitale mondiale de l'uranium, en compagnie de cinq autres personnes de la société Satom, filiale BTP africaine du groupe français de construction Vinci, en charge des travaux de terrassement pour l'entreprise d'uranium. Aucune revendication n'est parvenue pour le moment, mais pour Paris, les enlèvements portent la signature d'Aqmi, la filiale sahélienne d'Al-Qaïda. Paris venant à peine de se remettre d'une alerte à la bombe sous la Tour Effel et au musée du Louvres, les deux cartes de visite du tourisme en France, considère cet enlèvement non plus comme un simple rapt visant à obtenir une rançon mais comme une véritable déclaration de guerre à la France. Cette fois, soulignent ses experts en terrorisme, il s'agit d'une attaque ciblant “des intérêts stratégiques français”. En janvier 2009, le groupe Areva a signé un accord avec le Niger qui, certes, fera du Niger le second producteur mondial d'uranium grâce à l'exploitation du gisement d'Imouraren, considéré comme la deuxième plus importante mine d'uranium du monde, mais surtout donnera davantage de poids à l'industrie et la recherche nucléaire françaises. Areva, un fleuron de l'économie française ou de ce qu'il en reste, produit déjà la moitié de son uranium au Niger. Présent depuis quarante ans, le groupe français y exploite deux gisements situés à 1 200 km au nord de Niamey. Cette région nord du Niger est devenue une véritable poudrière, l'uranium étant un enjeu mondial. D'ailleurs, le kidnapping des cinq ressortissants français pourrait être aussi une riposte à l'opération franco-mauritanienne menée le 22 juillet contre une base d'Aqmi au Mali pour libérer Michel Germaneau, un Français présenté comme activant dans l'humanitaire. Le septuagénaire avait été enlevé au Niger. Sept terroristes avaient été tués au cours de ce raid français à la frontière algéro-malienne et Aqmi avait crié vengeance après avoir annoncé la mort de Germaneau, dont le corps n'a jamais été retrouvé. Tout comme ce dernier, les cinq Français ont été kidnappés dans le nord du Niger, une poudrière. C'est également un bastion de la rébellion touarègue. Celle-ci réclame une juste répartition des revenus tirés de l'uranium et contribue à entretenir un climat d'instabilité dans ce pays victime, le 18 février, d'un coup d'Etat militaire contre un président qui s'apprêtait à se faire réélire, passant outre la Constitution et auquel la France avait accordé son soutien. La piste des groupes rebelles touareg n'a pas été retenue dans l'enlèvement des Français car le trafic d'otages n'entre pas dans leurs habitudes. Cependant, des spécialistes n'ont pas évacué l'idée que des éléments rebelles pourraient être des sous-traitants d'Aqmi pour des raisons non pas idéologiques mais financières. Les rapts d'étrangers assortis de rançons payées rubis sur l'ongle par leur gouvernement d'origine, ont contribué au redéploiement d'Al-Qaïda Maghreb dans le Sahel, d'autant que contrôler cette immense étendue désertique reste aujourd'hui encore une mission impossible. Bien qu'elle ne soit estimée qu'à quelques centaines de combattants, la franchise de Ben demeure insaisissable, du moins difficile à éradiquer tant que ses sources de financement apportées, certes, par de multiples trafics mais également par des prises d'otages, qui ont doublé dans la région ces dernières années, ne sont pas taries. Les rapts d'étrangers ne sont pas seulement des sources de revenus pour Aqmi, c'est aussi une source de prestige pour l'organisation toujours en quête de nouvelles recrues. C'est pourquoi, l'Algérie n'a cessé d'adjurer les Etats occidentaux de ne pas faire le jeu des terroristes en acceptant de négocier avec eux. Fin août, après la mort de l'humanitaire français, Madrid a payé plusieurs millions d'euros pour obtenir la libération de trois de ses ressortissants, des humanitaires espagnols. Alger a toujours estimé que le développement constitue la réponse la plus adaptée pour éradiquer définitivement le terrorisme dans le Sahel. Quant à la lutte proprement dite contre Aqmi, Alger a préconisé la coopération militaire régionale, mettant en place, à Tamanrasset, un état-major opérationnel conjoint avec le Mali, la Mauritanie et le Niger. Mais cette coopération semble peiner à fonctionner. Tandis qu'Alger a proposé à ses voisins du Sud de mettre en commun leurs moyens militaires et de renseignement pour combattre l'insécurité dans le vaste Sahel, que le tourisme et les gisements de matières premières ont rendu attractifs pour les groupes armés, la France et les Etats-Unis, qui n'ont pas vu d'un bon œil la proposition et les solutions algériennes, ont continué leurs interférences, lesquelles, cela va de soi, obéissent plutôt à leurs stratégies respectives et à leurs propres compétitions. Depuis son ralliement à la nébuleuse d'Oussama Ben Laden, Aqmi multiplie ses opérations dans cette bande sahélo-saharienne.