L'économie nationale connaît une véritable crise de l'investissement productif. La préférence de la plupart des agents économiques pour le commerce d'importation aussi bien qu'une priorité confirmée des autorités algériennes en faveur des entreprises publiques pénalisent la croissance et contribuent à marginaliser les entreprises productives privées qui constituent potentiellement le secteur le plus dynamique de notre économie. Selon les statistiques publiées par différents organismes officiels, notamment l'ONS et le Cnes, le taux d'investissement dans l'économie algérienne, exprimé en pourcentage du PIB, a connu une croissance relativement régulière depuis le début de la décennie en passant d'environ 24% en 1999 à prés de 30% en 2009. Cette croissance est en fait parallèle à celle des dépenses publiques qui sont passées au cours de la même période de 29% à près de 46% du PIB. Illustration de cette importance croissante de la dépense publique, on estime que l'année dernière, les investissements réalisés en Algérie sont pour 84% des investissements publics, pour 15% des investissements privés et pour environ 1% des investissements étrangers. On sait que le niveau atteint au cours des dernières années par les investissements de l'Etat s'explique essentiellement par la réalisation d'un vaste programme d'infrastructures routières, autoroutières, ferroviaires ou hydrauliques dont on attend à terme des effets stimulants sur la croissance économique du pays. Ces programmes d'investissement massif dans les infrastructures économiques de base dont l'utilité parait indiscutable, ne sont cependant pas exempts de critiques. Ils laissent d'une part entier le problème du développement de l'investissement productif. Il soulève d'autre part le problème de la capacité de l'administration à gérer efficacement des dépenses d'équipement aussi massives. C'est ainsi qu'une revue des dépenses publiques réalisée par une équipe d'experts de la Banque mondiale et commandée par le gouvernement algérien lui-même avait souligné dès la fin de l'année 2007 les nombreuses défaillances qui caractérisent l'étude et l'exécution des programmes d'investissements publics. Ce rapport très approfondi attirait notamment déjà l'attention des pouvoirs publics sur la maturation insuffisante et la mauvaise programmation de projets réalisés souvent dans l'urgence, leurs coûts généralement élevés, ainsi que l'absence de suivi et d'évaluation a posteriori des programmes. Une préférence confirmée pour le secteur public Outre les dépenses consacrées à la réalisation des infrastructures, un poste nouveau est apparu dans les dépenses d'équipement de l'Etat. Il s'agit du budget réservé à “l'encouragement de l'investissement économique”. Il est en forte progression au cours des dernières années et représente désormais un peu moins de 10% du budget d'équipement. Son apparition et son développement sont la traduction d'une pression plus forte en faveur de l'encouragement de l'investissement productif. Ses ressources sont à la fois destinées à financer les investissements des entreprises publiques, à la mise en œuvre des programmes de mise à niveau des PME et à la dotation du Fonds national d'investissement créé en février 2009. Pour beaucoup d'observateurs, ces ressources restent cependant insuffisantes et trop exclusivement orientées vers les entreprises du secteur public à l'instar d'ailleurs des premières opérations mises en œuvre par le FNI. Les orientations les plus récentes des autorités algériennes confirment cette préférence pour le secteur public qui s'exprime non seulement par des injections massives de capitaux dans un certain nombre d'entreprises réputées stratégiques mais également dans le maintien sous perfusion de plus de 800 entreprises publiques déstructurées financièrement ainsi que le montre une étude commandée récemment par le ministère de l'Industrie. Cette priorité réservée au secteur public a fait de longue date l'objet de nombreuses critiques de la part de beaucoup d'économistes et d'entrepreneurs algériens qui considèrent qu'en favorisant, selon la formule de l'un d'entre eux, “l'ancienne économie au détriment de la nouvelle économie” elle retarde la nécessaire restructuration de l'économie algérienne et constitue la principale explication d'une croissance économique globale qui reste inférieure à nos potentialités aussi bien qu'à celle des pays voisins. L'investissement productif privé reste marginalisé Un bilan établi par l'Andi renseigne sur quelques-unes des caractéristiques de l'investissement privé qui comme nous l'avons déjà signalé représente près de 15% de l'investissement national au cours des dernières années. Entre 2002 et 2008, l'Andi a recensé 4 200 projets d'investissements productifs, soit environ 500 projets par an. À fin 2009, un tiers de ces projets avait été réalisé. Les autres étaient en cours de réalisation. Leur taille moyenne est considérée comme modeste et atteint 25 millions de dollars. Ils sont en outre réalisés en autofinancement à hauteur de 55%. Ces chiffres traduisent des performances relativement modestes qui sont confirmées par des acteurs du secteur financier. Un banquier privé constate : “Le faible nombre de projets bancables dans le secteur privé entraîne un excès de liquidités au sein des banques. Elles n'ont ces dernières années pas d'autre alternative que de recourir aux instruments de reprise de liquidités de la Banque d'Algérie qui sont rémunérés à des taux inférieurs à 2% alors qu'elles ne demanderaient pas mieux que de prêter à des opérateurs économiques privés à des taux qui, sur le marché, varient entre 7 et 8%”. Comme beaucoup d'analystes et d'opérateurs économiques, notre interlocuteur ne voit pas d'autre solutions qu'“une option plus franche en faveur du secteur privé productif qui doit se traduire par des facilités plus grandes accordées aux entreprises qui réussissent et une augmentation des ressources du Fonds de garantie des crédits aux PME et surtout du FNI qui doit devenir un véritable instrument de promotion de l'investissement productif qu'il soit public ou privé à l'instar d'ailleurs de ce que font les pays voisins dans ce domaine”. Au cours de la période la plus récente, la création de nouveaux instruments financiers a suscité quelques espoirs. L'attention se focalise en particulier sur le Fonds national d'investissement (FNI) lancé au début de l'année dernière et qui dispose de ressources importantes (150 milliards de dinars dès sa création, ce montant devant être porté progressivement à 1 000 milliards de dinars). La plupart des patrons privés s'attendent cependant, compte tenu des attributions annoncées du FNI, à ce que l'essentiel de ses ressources soient consacrées au financement de projets publics. À moins que la création de ses 48 antennes régionales permettent aux PME d'en récupérer une partie pour renforcer leurs fonds propres et constituer des projets bancables. Les patrons algériens devront cependant s'armer de patience, les structures elles-mêmes semblent loin d'être prêtes à fonctionner et les arbitrages loin d'être rendus.