La problématique de développement et de sécurité en Afrique a fait l'objet, hier, au Centre Echaâb des études stratégiques (Alger), d'un débat très enrichissant. Tous deux maîtres de conférence à l'université d'Alger et spécialistes en sciences politiques et en relations internationales, Mustapha Saïdj et Makhlouf Sahel ont beaucoup insisté, dans leurs exposés, sur la prise en considération des changements apparus notamment dans l'après-guerre froide et de l'énorme poids des questions géopolitiques dans le continent africain. “Ce qui manque à l'Algérie, ce sont des centres de réflexion pour apprécier les questions géopolitiques dans la région”, a déploré M. Saïdj. D'emblée, ce dernier a établi le paradoxe entre l'exigence de regroupement réclamée par le nouveau contexte pour “s'adapter aux enjeux” et les dislocations, surtout les conflits internes ou les guerres civiles, se manifestant en Afrique. L'universitaire a révélé que le continent a connu “plus de conflits” et plus de “dégâts humains” dans les années 90, puisque sur les 54 Etats, 14 étaient confrontés à des guerres civiles ou des conflits liés aux “enjeux géopolitiques et (au) problème des frontières”. Il a, en outre, signalé que 3 pays africains sur 6 qui concentrent le plus de ressources naturelles étaient en situation de conflit interne. Dans cette période qu'il a qualifiée de “phase de transition”, les facteurs déclencheurs de troubles sont particulièrement d'ordre économique (en référence aux programmes d'ajustement structurel et au “libéralisme sauvage”, ethnique et tribal (cas du Rwanda et de la Somalie). “Pour l'ex-colonisateur, la même stratégie est appliquée : diviser pour régner”, a soutenu l'intervenant. De son côté, M. Sahel a mis en exergue l'existence du “lien entre développement et sécurité” non sans rappeler “leur impact sur la paix”. “Le développement, la sécurité et la paix constituent des défis pour l'Afrique, des défis liés à la construction de l'Etat-nation”, a-t-il dit. Dans ce cadre, il est revu sur les “approches” développées par les dirigeants africains en matière de développement, en précisant au passage que “l'après-guerre froide est la première ère postcoloniale”. Makhlouf Sahel a également abordé le traitement du couple développement/sécurité dans le contexte actuel de mondialisation, estimant qu'il renvoie à des “phénomènes multidimensionnels”. “Aujourd'hui, développement et sécurité doivent être traités de façon globale, comme c'est le cas avec le Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, ndlr)”, a-t-il conclu. Au cours du débat, des participants ont avoué que les dilemmes de l'Afrique en matière de développement et de sécurité ne peuvent être analysés sous le seul angle de “l'influence extérieure” ou de “l'ennemi extérieur”. D'après eux, il est nécessaire d'inclure la part de responsabilité de certains pays africains “qui font recours à l'ingérence étrangère”, celle des dirigeants africains, notamment ceux des pays arabo-musulmans, qui “utilisent la politique de division pour régner”, ainsi que “l'incapacité des Etats africains à réaliser la liberté, la justice et la véritable démocratie”. D'aucuns se sont demandés si l'on peut parler de développement et de sécurité “sans faire des arrêts au Sahel et au Soudan”, “sans interpeller les pouvoirs locaux, surtout des ex-colonies françaises”, sans un examen critique de “la répartition du revenu national et (de) la gestion des biens nationaux”. “La sécurité nationale exige la démocratisation des régimes africains”, a expliqué un participant. Un autre a constaté “un forcing néo-colonial” de la part de l'Europe et des Etats-Unis afin de “contrôler les richesses naturelles” de pays africains, via les multinationales. D'où la nécessité, selon lui, de “préparer la société civile en général pour défendre ces richesses”.