Après la France qui s'est enlisée dans un débat sans fin sur l'immigration et l'identité nationale, c'est au tour de l'Allemagne de s'engouffrer dans le thème, non sans une gêne évidente. En effet, il s'agit rien moins pour ce pays que de renier l'approche multiculturelle à l'honneur depuis plusieurs années. C'est ce que n'a pas hésité à faire la chancelière allemande Angela Merkel, dimanche à Postdam, devant le congrès des jeunesses de son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU). “Nous vivons côte à côte et nous nous en réjouissons”, déclarait il y a peu de temps la chancelière pour définir l'approche “multikulti” dont l'Allemagne n'était pas peu fière, alors que partout en Europe la xénophobie progressait. Son discours de dimanche va non seulement à contre-courant de cette approche, mais il la remet en cause et en admet l'échec. “Nous nous sommes volontairement trompés pendant un moment, nous disions (qu')ils ne resteront pas, (qu')ils finiront par partir à un moment, mais ce n'est pas la réalité”, a-t-elle avoué devant les jeunes congressistes. Les immigrants doivent, selon elle, s'intégrer et adopter la culture, ainsi que les valeurs allemandes. Le 25 septembre déjà, au cours d'un congrès de son parti, elle déclarait déjà que “subventionner les immigrants” ne suffisait pas et que l'Allemagne était en droit “d'avoir des exigences”. Dans son discours de dimanche, la chancelière a néanmoins tenté un équilibre improbable en affirmant que “l'islam fait partie de l'Allemagne” et que l'immigration est nécessaire, pour faire face à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. La chancelière a aussi annoncé une série de mesures sociales destinées à favoriser l'intégration des immigrés. La communauté turque étant la plus importante au sein de l'immigration allemande, l'islam était au centre du discours et du débat. Après s'être élevée contre les mariages forcés récurrents dans les communautés musulmanes, elle annonce que la formation des imams dans les universités allemandes serait entièrement prise en charge par l'Etat. Le débat sur l'islam était incontournable du fait de la publication, en août dernier, d'un brûlot anti-immigrés intitulé l'Allemagne se détruit et signé par un cadre du parti social-démocrate. Le message-clé du livre est que les musulmans mineraient la société allemande. Le débat sur l'immigration et le revirement d'Angela Merkel interviennent dans un contexte particulier : l'approche de six scrutins régionaux prévus en 2011, alors que la CDU est au plus bas dans les sondages. Le discours de la chancelière a forcément un soubassement électoraliste et le grand écart auquel elle s'est livrée viserait à fédérer autour d'elle les ailes droite et gauche de sa coalition. Sans atteindre l'intensité d'un débat similaire en France, marqué par de nombreuses dérives, celui entamé en Allemagne risque d'emprunter les mêmes voies. Dans un cas comme dans l'autre, des deux côtés du Rhin, l'élément déclenchant du débat est l'enjeu électoral. Il n'en demeure pas moins que le sujet est réel et que toute l'Europe pourrait, à terme, sauter à pieds joints dans un débat lourd de conséquences pour les immigrants venus de tous horizons. Pour l'heure, c'est le président français Nicolas Sarkozy qui doit se frotter les mains, car Angela Merkel vient de rejoindre le club des adeptes de stratégies électorales bâties sur le dos de minorités. M. A. BoumendilElle a un double langage sur l'immigration et l'islam Le grand écart de la chancelière allemande ll Après la France qui s'est enlisée dans un débat sans fin sur l'immigration et l'identité nationale, c'est au tour de l'Allemagne de s'engouffrer dans le thème, non sans une gêne évidente. En effet, il s'agit rien moins pour ce pays que de renier l'approche multiculturelle à l'honneur depuis plusieurs années. C'est ce que n'a pas hésité à faire la chancelière allemande Angela Merkel, dimanche à Postdam, devant le congrès des jeunesses de son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU). “Nous vivons côte à côte et nous nous en réjouissons”, déclarait il y a peu de temps la chancelière pour définir l'approche “multikulti” dont l'Allemagne n'était pas peu fière, alors que partout en Europe la xénophobie progressait. Son discours de dimanche va non seulement à contre-courant de cette approche, mais il la remet en cause et en admet l'échec. “Nous nous sommes volontairement trompés pendant un moment, nous disions (qu')ils ne resteront pas, (qu')ils finiront par partir à un moment, mais ce n'est pas la réalité”, a-t-elle avoué devant les jeunes congressistes. Les immigrants doivent, selon elle, s'intégrer et adopter la culture, ainsi que les valeurs allemandes. Le 25 septembre déjà, au cours d'un congrès de son parti, elle déclarait déjà que “subventionner les immigrants” ne suffisait pas et que l'Allemagne était en droit “d'avoir des exigences”. Dans son discours de dimanche, la chancelière a néanmoins tenté un équilibre improbable en affirmant que “l'islam fait partie de l'Allemagne” et que l'immigration est nécessaire, pour faire face à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. La chancelière a aussi annoncé une série de mesures sociales destinées à favoriser l'intégration des immigrés. La communauté turque étant la plus importante au sein de l'immigration allemande, l'islam était au centre du discours et du débat. Après s'être élevée contre les mariages forcés récurrents dans les communautés musulmanes, elle annonce que la formation des imams dans les universités allemandes serait entièrement prise en charge par l'Etat. Le débat sur l'islam était incontournable du fait de la publication, en août dernier, d'un brûlot anti-immigrés intitulé l'Allemagne se détruit et signé par un cadre du parti social-démocrate. Le message-clé du livre est que les musulmans mineraient la société allemande. Le débat sur l'immigration et le revirement d'Angela Merkel interviennent dans un contexte particulier : l'approche de six scrutins régionaux prévus en 2011, alors que la CDU est au plus bas dans les sondages. Le discours de la chancelière a forcément un soubassement électoraliste et le grand écart auquel elle s'est livrée viserait à fédérer autour d'elle les ailes droite et gauche de sa coalition. Sans atteindre l'intensité d'un débat similaire en France, marqué par de nombreuses dérives, celui entamé en Allemagne risque d'emprunter les mêmes voies. Dans un cas comme dans l'autre, des deux côtés du Rhin, l'élément déclenchant du débat est l'enjeu électoral. Il n'en demeure pas moins que le sujet est réel et que toute l'Europe pourrait, à terme, sauter à pieds joints dans un débat lourd de conséquences pour les immigrants venus de tous horizons. Pour l'heure, c'est le président français Nicolas Sarkozy qui doit se frotter les mains, car Angela Merkel vient de rejoindre le club des adeptes de stratégies électorales bâties sur le dos de minorités.