Le débat Royal-Bayrou a finalement eu lieu au grand dépit de Sarkozy. Pari réussi. Le débat le plus attendu en France a eu lieu, hier, loin des plateaux de télévision. La candidate socialiste, Ségolène Royal a rencontré l'ex- candidat, François Bayrou. Après plusieurs tentatives échouées, le face à face s'est déroulé dans l'hôtel Western à Paris, retransmis en direct par radio RMC et BMF-TV. Convergences, bonne humeur et courtoisie, ont marqué la rencontre. Au menu de la discussion, les réformes des institutions, la sécurité, la relance de l'Europe, l'identité nationale et l'immigration. Pendant 120 minutes, les deux responsables politiques se sont adonnés à expliquer et clarifier leurs points de vue. Prenant la parole, la première, la candidate socialiste qui a affirmé qu'elle ne s'attend pas à un ralliement (de M.Bayrou) a déclaré en préambule: «Je n'attends pas un ralliement, car ce n'est pas ce qu'attendent les électeurs». A travers cette déclaration, elle voulait mettre d'abord fin à toute la polémique qu'a suscité ce débat. La candidate socialiste a remerciée François Bayrou d'avoir accepté le débat. «Il m'a semblé intéressant de voir sur quels thèmes nous pouvons faire un bout de chemin ensemble. Sur un certain nombre de sujets difficiles, nous pouvons faire émerger un certain nombre de convergences, qui vont permettre à la France de se redresser», poursuit-elle. Même constat tiré pour le candidat de l'UDF. Pour lui, «rien n'est plus nécessaire dans la vie politique française que de faire bouger les lignes». Il a même rappelé «avoir dit à Nicolas Sarkozy qu'il était prêt à débattre avec lui». L'ancien maire de Neuilly a ironisé sur une rencontre «de petites combines dans un hôtel parisien.» Et de promettre de «ne laisser personne voler aux Français leur deuxième tour». M.Sarkozy qui a refusé de débattre avec Bayrou, a rejeté dans le fond et la forme, l'appel du leader de l'UDF. «C'est une finale qui se joue entre les deux finalistes. Je ne vais pas rejouer les demi-finales. Le peuple français a élu Mme Royal et moi-même pour le grand débat du 2 mai. Je ne comprends pas pourquoi je vais débattre avec un élément éliminé par les Français», a-t-il expliqué, il y a trois jours, sur TF1. Au lieu de courir derrière son adversaire, Nicolas Sarkozy préfère s'adresser à la source. «Moi, ce qui m'intéresse, c'est rencontrer les Français, ce ne sont pas les combines d'états-majors», dit-il encore. Si les divergences sont grandes entre Mme Royal et M.Bayrou pour ce qui est de l'économie, le débat leur a permis, en revanche, d'identifier leurs points de convergence dont l'un est de s'attaquer ensemble à Nicolas Sarkozy. Sur la question de l'immigration, l'éliminé Bayrou, a tiré, comme a son habitude sur l'ancien ministre de l'Intérieur. «Je me demande comment on peut laisser quelqu'un vivre sans sa famille,» a estimé Bayrou, faisant allusion à la politique de Sarkozy sur le regroupement familial. Sur l'ensemble des questions abordées, notamment celles relatives à la politique de la France, tel que le nucléaire, l'hymne national proposé par Royal et les 35 heures de travail, Bayrou et la socialiste ont affiché des désaccords et quelques nuances dans l'approche de ces questions sensibles. Au total, les points qui rapprochent le centriste de Mme Royal sont plus importants que ceux qui les divisent. Ce débat, exceptionnel dans les moeurs politiques françaises, va cependant dégager les horizons permettant aux Français de mieux jauger les capacités de la candidate socialiste et d'autre part confirmer le rôle, devenu incontournable, d'arbitre, échu à François Bayrou. Certes, le leader de l'UDF se refuse à donner des orientations à son électorat, mais le débat d'hier va, sans doute, aider fortement les centristes à faire leur choix le 6 mai.