La violence reprend dans et autour des stades. Mais rien, bien entendu, ne sera fait pour l'enrayer. Les responsables apprécient à sa juste valeur le potentiel d'énergie que renferme le monde sportif et sont naturellement sensibles à la tentation d'en user. Car, en effet, le hooliganisme en Algérie ne date pas du week-end dernier. L'année passée, pour ne remonter que jusque-là, il a fait plusieurs victimes. Le dernier drame s'était produit à Blida et sur la route du retour de Blida vers Alger à la fin de la saison dernière. Quand nos autorités observent la brutalité des supporters algériens, elles ne s'en désolent pas ; elles la convoitent. Toutes rêvent de maîtriser et de conduire cette vitalité contre les forces qui contrarient leur pouvoir. Voyez comme elles n'en ont que pour les troupes de jeunes affiliés aux clubs sportifs. L'épisode du mouvement de Kabylie fut instructif sur l'usage politique de l'engagement sportif des jeunes Algériens. Le président du club n'avait de cesse de se soumettre aux mises en scène médiatiques commandées par le pouvoir, profitant des succès africains de la JSK pour contrarier l'idée de consensus insurrectionnel dans la région. Même la mère de Matoub Lounès, d'habitude théâtralement suspicieuse des fréquentations de pouvoir, s'est laissé traîner jusqu'au devant de Bouteflika à l'occasion d'un de ses montages politico-sportifs. C'est aussi par un appel aux supporters de clubs algérois que l'inénarrable “aâmi” Ahmed, qui conduisait la répression du 14 juin 2002 contre la marche des archs, a voulu renforcer sa “puissance de feu”, en réveillant les démons du chauvinisme “sportif” du côté de Belcourt et d'autres quartiers. Ce qu'il réussit d'ailleurs dans une large mesure. Lors de sa visite à Bab El-Oued, le Président a marqué sa préférence pour la jeunesse embrigadée par le football en visitant prioritairement, non pas l'association SOS Culture, mais les sièges du MCA et de l'USMA, résumant sa vision du jeune Algérois : un supporter d'abord. La promesse des terrains de l'ex-stade Ferhani, qui seraient plus indiqués pour développer une ambiance plus conviviale dans le quartier, procède du même calcul clientéliste et politicien. Il n'y a qu'à contempler les retours de stade pour se rendre compte de la complaisance intéressée des autorités : le service d'ordre prend l'allure d'une haie d'honneur entre le complexe Mohamed-Boudiaf et les quartiers des clubs. Et les soirs de victoire, la voie publique de la capitale est livrée à tous les dépassements d'adolescents surexcités sous le regard impuissant d'agents de l'ordre instruits d'une totale permissivité. Les morts de Rouiba, de Tizi Ouzou, les blessés graves de Bologhine et d'Oran sont entre-temps passés pour pertes et profits. Bien sûr, la violence n'est pas l'apanage des fanatiques du football ; on a vu, avec la crise de pouvoir actuelle, que la violence physique loge y compris dans les plus hautes institutions de l'Etat. Il lui arrive, ces derniers temps, de s'exprimer de la façon la plus indécente par l'entremise de très hauts responsables. Mais, c'est justement cette conception utilitaire de la violence, conception cultivée dans les instances d'Etat même, qui fait que le hooliganisme “sportif” a encore de beaux jours devant lui. Ce n'est plus un fléau dont il faut se prémunir ; c'est une arme de combat politique que chacun convoite. Pour ce faire, il la cajole et, donc, l'entretient. M. H.