Dans cet entretien, le premier responsable de la société aborde les étapes de la réalisation du centre commercial de Bab-Ezzouar, annonce l'ouverture de boutiques de grandes enseignes vers la mi-novembre et présente ses premiers résultats. Liberté : Quelles sont les raisons qui ont motivé la décision arrêtée par votre société de réaliser des centres commerciaux en Algérie ? Alain Rolland : À partir du moment où on a développé des centres commerciaux en Suisse, en Russie, en particulier à Saint-Pétersbourg et à Moscou, nous avons pensé qu'il y avait certainement quelque chose à faire dans les pays émergents au Maghreb. Je pense au Maroc et à l'Algérie. Lors de ma visite en Algérie en 2005, j'ai constaté, d'une part, que les centres commerciaux aux standards internationaux étaient inexistants, que les enseignes internationales ne disposaient que d'une seule boutique. De ce fait, nous avons réalisé une étude de marché. Dans ses conclusions, elle relève qu'il y a un pouvoir d'achat en Algérie comparable à certains pays de l'Europe de l'Est, que l'Algérie compte une très grande jeunesse du point de vue quantitatif et qualitatif et qu'elle est un pays de consommation. Mais pour s'y installer, il fallait réunir certaines conditions : le potentiel foncier, le potentiel des enseignes et les aspects administratifs et légaux. J'ai pu convaincre les autorités de l'importance du projet : l'Agerfa de la wilaya d'Alger, M. le wali d'Alger, que je remercie ainsi que l'ensemble de ses services pour l'aide et le soutien apportés à la réalisation du centre commercial et de loisirs de Bab-Ezzouar. Je précise également que le quartier d'affaires d'Alger à Bab-Ezzouar a de grands projets de Son Excellence, Monsieur le président Bouteflika, initiés par la wilaya d'Alger. Nous avons pu convaincre l'Agerfa de nous vendre les terrains. Les prix étaient accessibles et comparables aux prix du marché. Nous avons acquis une assiette de terrain de 15 000 mètres carrés. Il fallait remplir la troisième condition. À cet effet, je me suis rapproché de l'Andi qui a répondu favorablement. Nous avons pris la décision d'investir en 2006. Pour le financement, nous avons pu obtenir un crédit du CPA. C'est là que la machine a été véritablement enclanchée. En 2006, nous avons signé une convention avec l'Andi qui portait sur différents avantages comme, par exemple, l'exonération de TVA, d'IBS durant les cinq ans d'exploitation pour les centres commerciaux d'Alger et d'Oran. Nous avons également été soutenus par le monde économique, en particulier, le Forum des chefs d'entreprise. Les travaux ont commencé en 2007. Le gros œuvre a été réalisé par la société chinoise CSCEC et l'ensemble des autres travaux par des sociétés algériennes. Le centre a ouvert le 5 août 2010. Le montant de l'investissement est estimé à 7,2 milliards de dinars. Il est financé à 52,5% par un prêt et 47,5% par des apports de fonds propres. La société des centres commerciaux d'Algérie est détenue par Valartis Darsi à 74%, le groupe Jelmoli à 26%. Le groupe Valartis est connu pour ses centres à Moscou, Saint-Pétersbourg, et le groupe Jelmoli avec 50 immeubles commerciaux en Suisse, dont les deux derniers, la Praille à Genève et le Centre de Saint-Gall. Lorsque nous investissons, nous réalisons la conception architecturale, la conception commerciale et l'exploitation. Par ailleurs, on entend dire que les investissements étrangers en Algérie ne sont pas nécessaires. Je tiens à préciser, qu'aujourd'hui, sur une centaine d'emplois pour gérer le centre commercial et de loisirs et le business center de Bab-Ezzouar, 99% sont occupés par des Algériens. Je pense que le rôle des investisseurs étrangers passe également et prioritairement par la transmission du savoir-faire. Vous avez affirmé que le centre de Bab-Ezzouar est le plus grand au Maghreb ? Effectivement, au regard de sa superficie et du nombre d'enseignes, c'est le plus grand au Maghreb. Il n'y a rien de comparable au Maroc et en Tunisie. Le Maroc compte, cependant, un projet de cette envergure. Quelle est la consistance de ce centre commercial ? Il compte 94 enseignes, 40% sont des enseignes locales, 60% des enseignes internationales. Une soixantaine est déjà ouverte. On peut citer Lacoste, Nike, Benetton. Il compte 20 restaurants dont 15 sont déjà ouverts. À noter que 37 enseignes sont en liste d'attente : Apple, Nespresso et Mc Donald entre autres. Quelles sont les nouveautés à annoncer à la clientèle ? Orchestraland, un espace pour enfants (jeux, garderie, organisation d'anniversaires), ouvrira vers la mi-novembre. Ce sera également le cas d'un restaurant spécialité viande, d'un restaurant végétarien Natural Lounge. Les boutiques aux enseignes Geneviève Lethu, Alain Aflelou, Benetton, Z, Mango ouvriront à la même période. Avant la fin de l'année, La Grand Récré, un espace pour la vente d'articles de jouets de 800 mètres carrés, sera prêt. Le complexe cinéma (huit salles) ne sera pas ouvert avant le printemps 2011. Une galerie d'art est ouverte aux artistes algérois. À l'occasion des fêtes de fin d'année, une patinoire de 200 mètres carrés sera mise à la disposition de la clientèle. Pouvez-vous présenter les premiers résultats après plus de deux mois d'ouverture du centre ? Après le boom des trois premiers mois, un pic de 80 000 à 90 000 visiteurs/jour enregistré, l'affluence s'est stabilisée à 25 000 personnes/jour. C'est plus qu'à Genève (12 000 visiteurs/jour). La fréquence des véhicules est également passée de 16 000 véhicules/jour à 2 500-3000 véhicules/jour. Nous estimons réaliser un chiffre d'affaires entre 70 et 80 millions d'euros la première année. À titre de comparaison, à Genève nous avons réalisé à la première année un chiffre d'affaires de 65 millions d'euros. Comment assurez-vous la rentabilité et l'attractivité du centre commercial de Bab-Ezzouar ? En ce qui concerne notre chiffre d'affaires, celui-ci est essentiellement réalisé à partir de recettes locatives. Pour les commerces, les prix sont étudiés en fonction des catégories d'assortiments. L'hypermarché Uno, par exemple, réalise un très bon chiffre d'affaires. Ses prix, relève la clientèle, sont moins chers que ceux des supérettes. Quelles sont les perspectives de développement de la société ? Nous avons mis quatre ans pour réaliser le centre commercial et de loisirs de Bab-Ezzouar (1 an pour les études et les autorisations, 3 ans pour les travaux). En Suisse, cela prend sept à dix ans (difficultés d'obtenir des autorisations). On va réaliser un second centre commercial et de loisirs à Oran. On a acquis le terrain. Les travaux démarreront le 1er trimes-tre 2011.