C'est un discours sans effet d'annonce qu'a prononcé le chef de l'Etat à l'occasion de la cérémonie d'ouverture de l'année judiciaire organisée jeudi matin à la Cour suprême en présence des membres du gouvernement, du président de l'Assemblée populaire nationale, des présidents de cour, des procureurs généraux, des cadres du secteur de la justice et des hauts responsables des services de sécurité. Le président de la République s'est contenté d'une allocution concise, centrée sur les grandes réalisations du secteur de la justice dans le cadre des réformes engagées. Pourtant, l'occasion était plus que propice pour aborder certaines questions liées à l'actualité et dont le citoyen est en droit de connaître l'avis du premier magistrat du pays. En effet, l'ouverture de l'année judiciaire intervient, cette année, en plein débat sur la propagation de la corruption dans le pays. Les rapports des organisations non gouvernementales de lutte contre la corruption, à l'instar de Transparency International, sont à cet égard accablants et mettent tous en évidence le caractère institutionnel du fléau de la corruption. À travers les récents scandales qui ont éclaboussé des secteurs stratégiques de l'économie nationale, à l'instar de ceux des hydrocarbures avec l'affaire Sonatrach et des travaux publics avec le projet de l'autoroute Est-Ouest, c'est toute la crédibilité — ou ce qu'il en reste — de l'appareil judiciaire qui est en jeu. L'attente des citoyens dans le verdict de ces procès est à la mesure des préjudices financier et moral occasionnés. De nombreux députés ont profité de l'opportunité du débat autour de la déclaration de politique générale du gouvernement pour appeler à la nécessité de renforcer les mécanismes de contrôle judiciaire dans le cadre de la lutte contre la corruption, et les magistrats présents, à la rencontre de jeudi, s'attendaient à ce que de nouvelles mesures soient annoncées dans ce sens. Mais le Président a préféré se lancer uniquement dans le rappel des mesures déjà prises dans le cadre de la lutte contre la corruption et de ne parler que du processus des réformes lancées et les plans de développement initiés dans ce secteur sensible qui est la justice. Il a, dans ce sens, évoqué la mise en place, il y a quelques mois, de l'instance nationale de lutte contre la corruption, dotée d'un outil opérationnel, en l'occurrence l'Office central de répression de la corruption. Il est également revenu sur l'installation de pôles judiciaires à compétences territoriales élargies, chargés de poursuivre et de juger les auteurs de crimes qui, selon lui, “tendent à devenir de plus en plus graves et pourraient, s'ils venaient à prendre d'autres proportions, entraver le développement national et porter atteinte à l'économie du pays”. Dans le cadre de la réforme de la justice, il a indiqué que “le souci a été axé sur le soutien et la promotion du magistrat afin qu'il puisse occuper la place sociale qui lui revient, tant il est vrai qu'il constitue l'élément central de la dynamique de relance de la justice. Le but étant de l'amener à assumer son rôle dans la protection des droits et des libertés, et la moralisation de la vie publique avec pour objectif d'imprimer une crédibilité aux institutions de l'Etat”. Cela s'est matérialisé, selon le chef de l'Etat, par une augmentation du nombre de magistrats, par une amélioration de leur niveau, pour une meilleure maîtrise dans le traitement des dossiers, assorties d'avantages pécuniaires. Il a abordé, dans ce sillage, les formations dont ont bénéficié les notaires et huissiers de justice, le nouveau statut des avocats qui consacre, pense le président de la République, le principe du droit à la défense. Il a évoqué, aussi, les mesures prises par l'Etat conférant de larges prérogatives au pouvoir judiciaire dans la gestion et le contrôle, à travers les officiers de la police judiciaire, “dans le respect, précise-t-il, de la protection des libertés et des droits et de la présomption d'innocence, stipulés dans la Constitution et le code de conduite dans la législation nationale”. Le Président considère, toutefois, que “l'édification de l'Etat de droit et la consécration de ses fondements ne se limitent pas à la mise en place d'un pouvoir judiciaire et à l'introduction de législation visant à réprimer et à sanctionner les contrevenants. Il s'agit, pour les différentes autorités et autres institutions publiques, de veiller à l'application des lois régissant la vie publique, qui relèvent de leurs prérogatives, afin que la loi s'applique à tous et en toutes circonstances. Il est également question, pour ces autorités, d'assumer leur responsabilité dans la modernisation des services publics au profit des citoyens”. Enfin, le chef de l'Etat a tenu à saluer l'institution judiciaire, “pour la place de choix qu'elle occupe au regard des compétences, du professionnalisme et du respect des principes et fondements du procès équitable. Tout ceci a valu davantage de crédibilité au secteur de la justice”, dit-il.