Il faut faire une lecture très approfondie des résultats généraux des élections municipales marocaines de vendredi dernier, pour se rendre compte que le parti islamiste PJD a réalisé un score remarquable. En effet, alors qu'il n'a présenté des candidats que dans 18% seulement des circonscriptions électorales, le parti de la justice et de la démocratie aura 593 sièges dans les assemblées communales. Il se classe, ainsi, à la onzième place sur vingt-six formations politiques engagées dans ce scrutin. On ne peut que s'interroger sur les résultats qu'auraient obtenus les islamistes s'ils avaient présenté des candidats dans l'ensemble des villes et villages du Royaume. Ainsi, contrairement aux avis des observateurs qui estimaient que l'islamisme politique était en net recul au Maroc après les sanglants attentats du 16 mai dernier à Casablanca, le score du PJD démontre que c'est loin d'être le cas. Certes, les partis traditionnels ont remporté la majorité des sièges à l'image de l'Istiqlal avec 3 890 conseillers, suivi de l'USFP (3 373) et du Rassemblement national des indépendants (2 841), mais il n'en demeure pas moins que le parti de la justice et de la démocratie s'offre une position non négligeable par rapport à sa participation relativement faible et limitée aux grands centres urbains, contrairement aux autres mouvements politiques qui s'étaient davantage investis dans ces élections. Pour une première participation aux municipales, les islamistes ont bénéficié de la confiance des électeurs, notamment dans certaines grandes villes, où ils sont crédités de la majorité, comme c'est le cas à Tétouan, Meknès et Beni Mellal. “Le parti aurait pu faire beaucoup mieux”, a affirmé Abdelillah Benkirane, un membre du bureau politique du PJD. Cette déclaration laisse supposer que les responsables de cette formation ont volontairement présenté au cours de ces consultations un profil bas, en raison de la conjoncture politique défavorable née des attentats de Casablanca, dans le but de calmer les esprits. Cela dit, il ne s'agit là que d'une première expérience avec l'objectif de séduire le peuple avant de passer à l'étape supérieure. Le discours des islamistes marocains semble porter ses fruits et cela n'augure rien de bon pour la suite du règne de Mohamed VI, qui risque de se retrouver pieds et poings liés dans un avenir peu lointain face à cette déferlante. Malgré tous ses verrouillages sur le plan juridique, le souverain chérifien n'arrive pas à stopper la montée en puissance de ce phénomène, qui menace sérieusement son trône. Les résultats des élections communales constituent un avertissement supplémentaire pour le royaume alaouite, qui n'a apparemment pas tiré des enseignements de l'expérience algérienne en la matière. K. A.