Les dysfonctionnements qui caractérisent l'approvisionnement et le mode de distribution au niveau du marché national des produits pharmaceutiques sont un thème récurrent, traité régulièrement par la presse nationale et les professionnels sans que pour autant les questionnements qui habitent les citoyens soient tous épuisés. En effet, il est communément admis en Algérie, que le secteur des médicaments, générateur d'intérêts financiers considérables – près de 2 milliards de dollars d'importations –, reste dominé par des lobbys de l'import – 70% de nos besoins sont couverts par l'extérieur – qui tiennent en otage toute une population. Les différentes réorganisations et tentatives de maîtrise et de régulation de cette activité hautement sensible, entreprises par les pouvoir publics, au gré de changement de ministres à la tête du département de la Santé, n'ont, visiblement, pas porté tous leurs fruits. Pénurie, dysfonctionnements dans les circuits de distribution, prix exorbitants des médicaments, consommation excessive et irrationnelle de ces produits – l'Algérie est le premier pays consommateur de produits pharmaceutiques en Afrique –, inadaptation du taux de remboursement par la Sécurité sociale, insuffisance de la production nationale (30% des besoins), sont autant de maux qui obscurcissent la visibilité dans la politique de développement de ce secteur. De telles contraintes rendent complexes, voire incohérentes, les multiples et diverses démarches testées jusqu'alors par l'Etat. Devant une telle situation, l'urgence d'une refonte du système est réclamée par l'ensemble des acteurs concernés, qu'il s'agisse des opérateurs publics et privés, des professionnels et diverses organisations socioprofessionnelles ou simplement des citoyens eux-mêmes. Cette exigence est motivée par un faisceau de considérations qui ne recouvrent pas nécessairement les mêmes objectifs. Pour la puissance publique, il s'agit de la crainte, bien évidemment, de voir l'exclusion du plus grand nombre d'Algériens du bénéfice de la couverture sanitaire. Dans une telle perspective, et au-delà de l'accès aux médicaments, le plan quinquennal 2010-2014 prévoit la réalisation d'un ensemble d'infrastructures et d'équipements sanitaires généralistes et spécialisés à travers le territoire national. De même que les autorités ont pris des mesures incitatives en vue d'encourager le développement de la production nationale de médicaments en l'occurrence les génériques et de renforcer le groupe Saidal à travers notamment des relations de partenariat avec les grands laboratoires internationaux. Dans ce cadre, l'Etat prévoit d'augmenter la part de la production nationale de médicaments de 30% actuellement à 70% à l'horizon 2014. Pour les importateurs, dont beaucoup sont en position de monopole du fait qu'ils bénéficient de l'exclusivité de la part de certains fabricants étrangers, leur seul objectif est de renforcer leur position sur le marché et d'engranger, sans grands efforts et sans investir de surcroît, malgré les injonctions qui leur ont été adressées par le gouvernement, le plus de gains possible, quitte à provoquer des pénuries pour renchérir les prix au détriment bien entendu des malades. Pour les professionnels et leurs organisations, il s'agit d'encadrer, réguler l'activité et la moraliser. Enfin, pour les citoyens en général et les malades en particulier, il s'agit d'accéder aux médicaments à bon marché et de bénéficier d'un meilleur taux de remboursement de la Sécurité sociale qui est un instrument de solidarité professionnelle. Dans ce contexte, la généralisation de la carte Chifa peut constituer un moyen de soulager les bourses des malades les plus vulnérables. En vérité, dans ce charivari de voix, de mesures et de contre-mesures (la dernière circulaire attribuée semble-t-il au Premier ministre et qui autorise les producteurs à se mettre dans la distribution et interdit aux grossistes de distribuer les produits fabriqués localement, a été diversement appréciée, voire décriée par certains producteurs pour ne pas avoir été consultés et qui estiment que leur mission et de produire et non de distribuer), les citoyens ne comprennent rien, assistent et subissent, impuissants, l'évolution inexorable et l'aggravation du processus de marchandisation de leur santé.