Cette Europe-là qui “se braque”, extrêmement sourcilleuse quant à l'indispensable protection des valeurs républicaines, semble s'inquiéter plus du greffage de l'islam que de la prospérité de l'islamisme dans le monde. Le débat sur l'intégration des musulmans en Europe tourne à un dialogue de sourds où chaque partie s'entend dire ses vérités à l'autre sans que celle-ci n'entende rien d'autre que les siennes propres. Il y a, d'un côté, des musulmans ne voulant rien céder sur leur appartenance cultuelle et culturelle, mais qui ne consentent pas à sacrifier le moindre de leurs droits civiques. De l'autre, il y a des Etats ou des sociétés, pays d'accueil ou d'adoption, qui rejettent tout ce qui ne serait pas soluble dans la République ou qui constituerait un péril pour les traditions de liberté et de démocratie, au demeurant bien établies dans ces pays-là. Se pose alors une question fondamentale quant à l'origine de cet antagonisme : d'où vient que l'islam soit perçu aujourd'hui, en Europe, comme une menace pour l'ordre républicain ? À une telle question, des voix ont déjà répondu : L'Europe et l'Occident, de manière générale, usent d'un amalgame malsain en assimilant l'islam à l'islamisme, voire au terrorisme. S'il y a là, indéniablement, une part de vérité, la réponse reste en deçà de la complexité de la question. Car cette Europe-là qui “se braque”, extrêmement sourcilleuse quant à l'indispensable protection des valeurs républicaines, semble s'inquiéter plus du greffage de l'islam que de la prospérité de l'islamisme dans le monde. C'est ainsi que Paris, Berlin, Rome, Washington ou Madrid peuvent trouver “utile” de s'accommoder d'un régime islamiste à quelques heures d'avion de là, au point de “commercer” économiquement et politiquement avec lui, et “nécessaire” de tourner le dos aux forces du progrès qui, dans ces contrées-là, tentent de contenir le fascisme qui déferle sous couvert d'islam et de justice sociale. Il est d'ailleurs significatif que parmi ces musulmans d'Europe, qui traînent “leur islam” comme un boulet, beaucoup ont quitté leur pays d'origine pour fuir l'ordre intégriste qui s'y est installé ou qui menace de s'y imposer. Il est arrivé aussi que l'Europe et l'Occident aient couvé des régimes qui, sans être eux-mêmes d'obédience islamiste, ont favorisé par leurs politiques l'émergence et la progression de mouvements extrémistes se réclamant de l'islam radical. C'est dire qu'il faut distinguer le vrai péril de l'éventail : l'ordre républicain en Europe n'est pas menacé par les musulmans d'Europe, mais par l'islamisme qui gagne du terrain hors d'Europe. L'Europe a de ce fait un choix à faire : prendre part au combat là même où il a cours depuis déjà quelques années, ou se préparer à faire face à la déferlante, sur son propre sol, quitte à découvrir, sur le tard, la vraie menace. Sur le tard ? Peut-être même trop tard… S. C. [email protected]