C'est pour éviter l'hémorragie de devises et la dépréciation du dinar que l'état a toujours refusé d'envisager la convertibilité de la monnaie nationale. Ainsi, il contrôle, en théorie, le montant de devises qui peut être expatrié et maîtrise, toujours en théorie, le taux de change du dinar. Mais voilà que l'état avoue que c'est justement là que résident les maux qui hypothèquent le développement et même la sécurité du pays. D'abord, les autorités s'alarment de l'importance des transferts liés aux bénéfices réalisés par les investisseurs étrangers et au règlement des factures d'importation. Les restrictions de la part étrangère (ramenée à 49% maximum) dans les capitaux des entreprises et l'abrogation de la procédure du Crédoc introduites par la loi de finances pour 2009 se veulent une riposte à ces deux vecteurs de sortie de devises. On décourage les IDE et on complique la procédure d'approvisionnement en inputs importés, et donc le fonctionnement des moyens de production installés, pour réduire les sorties de devises liées au rapatriement des bénéfices et à l'activité productive. Mais, malgré ces mesures qui freinent l'investissement et ralentissent l'activité, les devises fuient par des voies illégales comme le montrent ces saisies récurrentes dans les bagages de passagers ou de membres des personnels navigants. Entre-temps, l'activité de change bat son plein sur les places monétaires informelles, sous le regard impuissant d'un état qui tolère l'existence occulte d'opérations qu'il refuse à ses propres institutions. Pourtant, il ne peut ignorer que ces milliards brassés par des cambistes parallèles sont destinés à couvrir de réels transferts, forcément clandestins. Mais il sait, en même temps, qu'il ne peut efficacement réprimer une fonction créée par un besoin irrépressible. L'émotion révoltée que provoquent ces occasionnelles contraste avec la complaisance débonnaire dont jouit le change parallèle. Ce monétarisme parallèle engendre apparemment un fort appel d'air : il a besoin de billets de banque que l'on n'arrive pas à fabriquer en quantité ; il fait alors appel à la fausse monnaie. Et le tout semble s'emballer : inflation de billets, faux monnayage, trafics… Tout un système qui ne peut s'embarrasser ni de moyens de paiement scripturaux ni de marché monétaire officiel et transparent. En somme, toutes les conditions sont réunies pour la formation d'une activité monétaire souterraine, à peine contrariée par une répression à la marge de certaines de ses manifestations. Le refus de la modernisation bancaire et de la convertibilité du dinar permet les mouvements financiers qui ne laissent pas traces. à force de rejeter le progrès par crainte de perdre son monopole d'allocation de ressources, le pouvoir se retrouve à devoir réprimer, se crée des désordres qu'il doit rattraper ou réprimer. Le pays ne gagne ni sur le tableau de la sécurité ni sur celui du développement : la résistance au marché favorise la délinquance financière en même temps qu'elle gêne l'essor de l'économie. M. H. [email protected]