Quelque 4.297.688 électeurs se rendront aujourd'hui pour choisir entre les 24 candidats, parmi lesquels ne figure aucun militaire, le président qui dirigera le pays pendant les cinq prochaines années. Sur les 24 candidats dont une femme validés par la Cour suprême qui a reçu 36 dossiers, quatre sont favoris pour mettre un terme à l'intermède militaire de Dadis Camara et ses compagnons d'armes qui ont tiré à Conakry, le 28 septembre dernier, sur la foule (156 morts) et osé demander par la voix du général Sékouba Konaté «pardon pour mes prédécesseurs et tous ceux qui, dans l'exercice de leurs fonctions, ont pu commettre des abus et des exactions » : Lansana Kouyaté, 60 ans, Parti de l'espoir pour le développement national, Sydia Touré, 65ans, Union des forces républicaines, Cellou Dalein Diallo, 58 ans, Union des forces démocratiques de Guinée et Alpha Condé, 72 ans, Rassemblement du peuple de Guinée. Les trois ont fait des passages, plus ou moins longs, à la primature dans ce pays doté de richesses minières que se disputent les multinationales mais où 55% de la population végète en dessous du seuil de pauvreté. Seul Alpha Condé, l'opposant historique et candidat malheureux à l'élection présidentielle de 1993 et de 1998, n'a jamais occupé un poste de responsabilité. Tous les quatre peuvent se prévaloir d'un fief électoral important dans leur région d'origine. Comme Cellou Dalein Diallo dans la Moyenne-Guinée, Sidya Touré dans la Basse-Guinée et Alpha Condé dans la Haute-Guinée. Le pouvoir militaire de transition qui a pris beaucoup d'engagements avant le rendez-vous « crucial » d'aujourd'hui sera face à l'histoire. Réussira-t-il à mettre fin à la crise politique provoquée par son coup de force en décembre 2008 et remettre, sans heurts, le pouvoir aux civils après une transition politique de six mois ? Fort possible. Outre «la neutralité» affirmée par le président intérimaire, le général Sékouba Konaté, le Premier ministre, Jean Mari Doré a supervisé la révision des listes électorales, l'adoption d'une nouvelle Constitution et l'élaboration d'une loi portant code électoral, s'est engagé à organiser un scrutin «libre, démocratique et transparent». Grande nouveauté en Afrique : les militaires voteront «en civil», c'est à dire le jour même du scrutin et en dehors des casernes. « Contrairement au passé où les soldats étaient obligés de voter dans les camps militaires et en présence des officiers supérieurs, chacun votera sans pression où il est recensé », explique le colonel Nouhou Thiam, le chef d'état-major interarmées. C'est la première fois depuis l'indépendance du pays en 1958 qu'ils voteront sans connaître au préalable le nom de l'élu : le pouvoir n'est ni candidat, ni sponsor d'un candidat, ni organisateur du scrutin. Un second tour aura lieu le 18 juillet prochain si aucun des candidats n'obtient la majorité absolue à ce premier tour qui sera surveillé par 16.000 policiers et gendarmes et supervisé par Saïd Djinnit, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest, le général Yakubu Gowon, ancien chef d'Etat du Nigeria de 1966 à 1975 du Centre Carter, 70 observateurs de l'Union européenne et 3.965 observateurs. Les résultats seront connus au plus tard mercredi soir. La Cour suprême aura huit jours pour proclamer les résultats définitifs. En cas de contestation, elle disposera de trois jours pour se prononcer. Les Guinées s'attendent à un résultat serré et à un deuxième tour. Certains redoutent les effets de la « carte ethnique » que certains candidats ont jouée et la réaction des membres de l'ethnie de Dadis qui, « vivant » sa chute comme un complot contre leur ethnie, demandent une revanche.