Loin d'être un simple constat, la question qui revient sans cesse dans le quotidien des artistes algériens trouve forcément ses premiers éléments de réponse dans l'inexistence d'un marché de lart structuré, avec des repères connus et reconnus, à même de réguler un vecteur des arts qui échappe ostensiblement à tout contrôle. L'art fait-il vivre ses créateurs en Algérie ? Le point d'interrogation ne risque pas de connaître une réponse positive avec l'évolution de la condition socioprofessionnelle des artistes, de tous bords, qui s'essayent à vivre de leurs produits artistiques. Loin d'être un simple constat, la question qui revient sans cesse dans le quotidien des artistes algériens trouve forcément ses premiers éléments de réponse dans l'inexistence d'un marché de l'art structuré, avec des repères connus et reconnus, à même de réguler un vecteur des arts qui échappe ostensiblement à tout contrôle. Pour Ahmed Hamidi, artiste peintre, l'un des fondateurs de l'Ecole de Maghnia, en compagnie de Mustapha Souadji, Abdelkader Mahboub et Abdelkader Arzazi, l'artiste ne peut pas vivre de ses œuvres en Algérie, “ni ailleurs”, surenchérit Mahboub. Parlant de leurs propres expériences, ils confesseront volontiers l'impossibilité de vivre et faire vivre leurs familles à travers les seuls “cachets” des ventes de leurs toiles, qui restent pour le moment “plus une passion qu'un moyen de vivre”. Hamidi en est convaincu par ailleurs puisque, sans un revenu stable en parallèle, l'artiste ne peut aspirer à une vie décente. Mustapha Souadji abonde dans le même sens en affirmant que “l'art ne fait pas vivre en Algérie”. Les trois sont unanimes à désigner l'absence d'un véritable marché de l'art, seul baromètre qui puisse valoriser le travail de l'artiste et instaurer à la longue une échelle de valeur “commerciale” au sein de la corporation. Pour eux, le premier acheteur de l'œuvre artistique algérienne reste le collectionneur étranger qui lui fait quitter le pays avant de perdre sa trace dans quelques salons privés occidentaux. “L'Etat doit préserver les œuvres d'arts”, dira encore Hamidi, en guise d'une autre solution pour défendre les artistes algériens dont certains, “pour pouvoir vivre, n'hésitent pas à brader leurs travaux aux premiers venus”. Concernant justement la “mercuriale” des œuvres artistiques, si barème il y a, nos interlocuteurs s'accordent à affirmer qu'aucun artiste ne peut fixer le prix de sa composition et que ce sont parfois les circonstances de vente qui offrent les meilleures conditions. Les trois artistes peintres évoqueront également le cas de certaines galeries d'art qui cachetonnent l'artiste à la commande. Mahboub parlera ainsi de sa propre expérience avec une galerie d'art française qui l'a invité à exposer ses travaux sans toutefois les signer, une pratique “douteuse” qu'il a poliment déclinée. Pour Moussa Médiene, gérant de l'Espace Lotus, et malgré l'existence d'un marché de l'art embryonnaire soutenu par de nombreux collectionneurs, nationaux et surtout étrangers, qui n'hésitent pas à faire parfois de véritables razzias d'œuvres de peintres prometteurs, il est nécessaire de le réglementer puisque beaucoup d'œuvres d'artistes algériens passent la frontière. “En France, il est quasiment impossible de sortir une œuvre ou de vendre en dehors d'un cadre réglementé”, dira-t-il pour étayer son argumentaire. Pour contourner les dispositifs de la loi hexagonale, certains artistes algériens préfèrent produire en France pour y vendre leurs œuvres. “Il faut que l'Etat se penche sur ce problème”, assènera Moussa Médiene qui s'emporte sur la facilité de l'exportation d'œuvres d'Issiakhem, de Baya, entre autres, vers l'étranger. “Combien d'œuvres de nos grands artistes se retrouvent dans des collections privées à l'étranger, alors qu'ils font partie du patrimoine national”, s'interrogera-t-il plus loin. Rappelons que Ahmed Hamidi, Mustapha Souadji, Abdelkader Mahboub et Abdelkader Arzazi exposeront, à partir du 25 novembre, une quarantaine de toiles à la galerie d'art, l'Espace Lotus.