Souhaité depuis déjà belle lurette par les spécialistes et les différents acteurs du domaine, le football national s'est lancé cette saison dans le professionnalisme. On s'attend à une nouvelle ère réformatrice afin de sortir notre sport roi du marasme dans lequel il patauge depuis plus d'une décennie. Sauf que le processus de la professionnalisation du football en Algérie n'a pas pris le bon chemin. C'est le constat fait par le technicien argentin, Angel Miguel Gamondi, l'entraîneur du Chabab de Belouizdad. Quatre mois après le lancement du premier championnat professionnel, la situation qui prévaut ressemble, selon lui, beaucoup plus à l'amateurisme. “Je pense qu'il y a une mauvaise compréhension du professionnalisme en Algérie. Les gens ont tendance à parler uniquement argent comme si être professionnel se limite à avoir des milliards dans le capital social. Or, c'est faux. Passer en professionnel, cela doit se faire à partir de la base. Mettre en place une politique de formation, penser d'abord à résoudre le problème des infrastructures qui pénalise pratiquement tous les clubs, professionnaliser et réorganiser le corps arbitral”, dira le coach argentin. Et de poursuivre : “Professionnaliser le football, c'est d'abord avoir des dirigeants professionnels au niveau des clubs et des cadres compétents dans le domaine de la gestion, car le club doit être géré comme toute autre société financière en mettant en place une politique judicieuse de marketing et de sponsoring qui peut lui garantir une autosuffisance financière. Le professionnalisme n'est pas uniquement argent ou actionnaires, chose qu'on entend souvent en Algérie, c'est toute une organisation, une politique bien étudiée.” À travers son expérience en Algérie qui ne fait que commencer puisqu'il n'est au Chabab que depuis cinq mois, Gamondi estime que le football national est encore loin du professionnalisme. Il argumente : “Beaucoup de choses restent à faire dans ce sens. Je pense qu'on ne peut pas parler de professionnalisme tant qu'un club n'est pas en mesure de gérer le stade où il évolue. Nous sommes bien placés pour parler de cela. Figurez-vous qu'un club comme le CRB ne trouve parfois pas de créneau d'entraînement dans son propre stade du 20-Août. Nos joueurs font parfois le pied de grue pendant des heures à attendre la fin des entraînements des équipes de sport et font des efforts pour pouvoir bosser. On ne peut dire qu'on est professionnel tant que nous n'avons pas d'équipes réserves ou de centres de formation. Je pense que nous sommes encore loin du professionnalisme pour la simple raison que si nous les entraîneurs ne disposons pas de tous les moyens de travail, nous ne pouvons jamais produire un produit 100% professionnel”, soutient l'entraîneur du Chabab qui reste, toutefois, persuadé que “l'Algérie a tout pour réussir à mettre en place un vrai championnat professionnel et compétitif. Ce pays a un bon potentiel technique, c'est tout le monde qui respire football ici. Je pense qu'il faut prendre le temps de se préparer et se doter des moyens inéluctables pour arriver au stade du professionnalisme”. Gamondi met l'accent aussi sur l'arbitrage en affirmant qu'“on ne peut avoir un championnat professionnel avec des arbitres amateurs. Il faut professionnaliser le corps arbitral. Les arbitres doivent être bien payés et avoir des contrats de performance qui les obligeront à accomplir convenablement leur tâche”. Le coach des Rouge et Blanc algérois évoque, par ailleurs, le phénomène de la violence qui pourrit le football algérien et fait fuir également les investisseurs. Il revient, à ce titre, sur les graves incidents qu'il a connus avec son équipe lors du dernier déplacement en championnat à Bordj Bou-Arréridj. “Ce qui s'est passé à BBA est un scandale. C'est une honte pour le professionnalisme. Je me demande qui parmi les investisseurs ou les chaînes de télé vont s'intéresser à un spectacle pareil. Je suis sûr que dans un autre pays même au fin fond de l'Afrique, on ne serait pas resté les bras croisés devant des incidents pareils, mais ici c'est le silence. On attend qu'il y ait des morts pour réagir ? Ce jour-là, ce sera trop tard. Le professionnalisme du football, c'est améliorer le spectacle et veiller à la sécurité de tout le monde dans le stade”, souligne le coach argentin.