Plus de cinq mois après les dernières élections fédérales, la Belgique n'a toujours pas de gouvernement et les discussions sur sa formation n'ont même pas commencé. Les supputations sur son éclatement sont loin de se réaliser. Et pourtant, la crise belge sévit depuis presque 4 années consécutives, lorsque les Flamands ont exigé la réforme de l'Etat, des exigences rejetées par les Wallons (francophones). Depuis, les deux communautés sont à couteaux tirés, leurs positions inconciliables, au point que beaucoup d'observateurs n'ont cessé d'envisager sérieusement la partition du royaume. Ce n'est pourtant pas ainsi que se terminera la crise actuelle, selon de sérieux analystes étrangers et des deux communautés. Au fil de la crise, il est apparu que ni les Flamands ni les francophones ne souhaitent la fin de leur pays. Même la forte poussée de partis nationalistes flamands aux dernières législatives (40 % des votes cumulés), le divorce n'est pas pour demain. Tous les sondages et enquêtes menés depuis plusieurs années montrent que la part de Flamands indépendantistes ne dépasse pas 15 %. Plus remarquable, ce taux n'a pas évolué avec la crise politique qui s'est prolongée et approfondie. En réalité, ce qui est en jeu, ce n'est pas tant la fin de la Belgique, que la répartition des compétences entre Etat fédéral et entités fédérées. Les Flamands souhaitent qu'une large partie des compétences fédérales soient transférées à ces dernières, ce que les francophones refusent, ou plutôt refusaient jusqu'aux dernières élections. Les Flamands ne rêvent donc pas de souveraineté et d'indépendance, mais d'une autonomie très large, notamment sur le plan fiscale. La région flamande s'estime lésée par sa forte contribution au budget fédéral. Face au spectre d'une division en deux du pays, les Flamands ont, par ailleurs, fini par mettre de l'eau dans leur vin. S'ils revendiquent une part conséquente de leurs impôts, ils concèdent aujourd'hui à ce que les principales missions de l'Etat providence (sécurité sociale, assurance chômage et caisse de retraite) soient toujours assurées au niveau national. Une grande avancée dans le dialogue entre les Belges. Les Wallons ont eux aussi mis du vin dans leur irrédentisme. Et puis, ce n'est pas avec les 15% d'indépendantistes que la Belgique éclatera. Le pays n'a-t-il pas prouvé qu'il fonctionne normalement sans gouvernement, assumant même la présidence de l'Union européenne ? Quoi qu'il en soit, la séparation serait extrêmement difficile à réaliser du fait de l'interdépendance économique, sociale et humaine entre les trois régions (Flandre, Bruxelles et Wallonie) de ce petit pays. Le centre de cette interdépendance, rappellent les experts, est bien entendu Bruxelles, ville historiquement flamande, mais peuplée aujourd'hui à 80% par des Wallons. La capitale à la fois de l'UE et de l'Otan constitue le moteur économique du pays. Flamands comme francophones la considèrent comme leur capitale, et aucun des deux n'envisage, ne serait-ce que pour des raisons symboliques, de se passer de Bruxelles au rayonnement international. Il reste que la crise est là, qu'elle ne se résoudra pas facilement. L'enjeu réel n'est pas la survie ou non de la Belgique, mais son architecture institutionnelle future. La Belgique, de ce point de vue, est un laboratoire pour le monde du XXIe siècle, dont la réforme de l'Etat constitue un dossier.