Bouteflika a hypothéqué gravement, au moins pour quelques années, l'avenir du pays, y compris et surtout par sa politique dite de “concorde”. Seize septembre 1999 - 16 septembre 2003 : la “concorde civile” a quatre ans. Le mandat de M. Bouteflika, lui, en totalise un peu plus. Mieux, il tire à sa fin alors même que le projet de “concorde nationale” se fait plus précis, depuis que son promoteur ne cache plus son ambition de le réaliser sur les cendres du pluralisme et de la démocratie, au cours d'un second mandat à arracher. Faut-il alors s'attarder et se limiter à dresser le bilan de la loi du 13 juillet 1999, conçue officiellement pour réduire la puissance du terrorisme islamiste ? Voilà une question qui, à coup sûr, appellera des réponses divergeantes, voire contradictoires. D'aucuns, en effet, auront à cœur de monter en épingle un “reflux” des actions terroristes et s'échineront à comparer des chiffres comme si le débat pouvait être ramené aux dimensions d'un simple exercice d'arithmétique. Il s'agit, pourtant, de considérer la concorde civile pour ce qu'elle est : un texte de loi qui a cessé d'être en vigueur depuis le 13 janvier 2000. Un texte juridique qui, pour ne rien arranger, n'a jamais été appliqué et dont Bouteflika lui-même a superbement ignoré la lettre pour n'en retenir que “l'esprit réconciliateur”. Et l'on sait ce que la réconciliation version Bouteflika signifie : marier la jupe de Khalida avec la gandoura de Abassi Madani et bâtir une Algérie “assez vaste pour contenir les islamistes, les communistes, les laïcs, les nationalistes et jusqu'aux athées”. À condition, bien sûr, que tous fassent allégeance à l'homme providentiel, au Président-roi qui, lui, doit être au-dessus de la mêlée, au-dessus du pluralisme, au-dessus de la démocratie, supérieur à la République. Ainsi se décline, tout compte fait, le projet de “concorde nationale” et c'est cela qu'il faut débattre à présent, si tant est qu'un tel dessein peut constituer un sujet à débattre en 2003. Car l'Algérie de 2003, au regard des ambitions clairement affichées par les nouvelles générations, mais aussi des mutations en cours à l'échelle mondiale, ne peut s'accommoder du pouvoir personnel d'un homme, ni de la mainmise d'un clan sur les affaires de la cité ou sur la gestion des dossiers qui engagent l'avenir de la nation. Car, disons-le clairement, Bouteflika a hypothéqué gravement, au moins pour quelques années, l'avenir du pays, y compris et surtout par sa politique dite de “concorde”. On mesure déjà le “manque à gagner” que l'Algérie a enregistré, à son corps défendant, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. C'est bien là cette politique de concorde et de “réconciliation tous azimuts” qui a valu au pays de se trouver groggy, au moment où le monde entier se réveillait enfin et mesurait la gravité de la menace terroriste. Cela nous a valu une “facture politique” que nous n'avons certainement pas fini de payer, quoi qu'en disent les soutiens présidentiels qui estiment que le pays a retrouvé sa place dans le concert des nations. Le bilan de la concorde, le vrai, le seul, est là, uniquement, là. S. C.