Passant devant une rôtisserie bien garnie de poulets dorés et appétissants à souhait, un petit garçon, sans le sou, marque une halte. Salivant tel un lama, il hume l'odeur alléchante de la viande en regrettant d'être si pauvre et désargenté. Le petit garçon plonge sa main dans la poche de son pantalon en haillons et en ressortit un quignon de pain rassis. Il se mit à grignoter sa miche en reniflant de toutes ses forces, les délicieux effluves de volaille rôtie. La mort dans l'âme, l'eau à la bouche et l'estomac dans les talons, il se résigne à poursuivre son chemin. Mais le rôtisseur est d'humeur badine, aujourd'hui : “Hé, jeune homme, ne crois pas t'en aller comme ça. Tu as reniflé, tu dois payer ! C'est comme ça que ça se passe ici !” Le petit garçon se mit aussitôt à pleurnicher. Mais vous êtes fous dans cette ville. Je n'ai fait que sentir les odeurs, pourquoi devrais- je payer ? Mais le hasard faisant bien les choses parfois, dit-on, ne voilà-t-il pas que le roi de la ruse, le célèbre Djeha, vient à passer justement par là. Et il a tout vu et tout entendu de la scène qui se déroulait sous ses yeux pleins de malice. “Laisse ce petit tranquille !” prévient-il. Le rôtisseur, d'un air espiègle, fit un clin d'œil complice à Djeha, voulant l'associer à son jeu. Il tente même une explication : “Ce gosse a reniflé ma viande et par conséquent, il devra payer l'adition !” Fidèle à sa réputation d'homme rusé, Djeha réplique : “Bon, ne t'énerves pas, je vais payer pour lui !” Extirpant une pièce de monnaie de sa poche, il la fit tinter sur la table avant de la ramasser et de la remettre à sa place, bien au chaud. Le marchand réagit aussitôt, arguant qu'il n'avait toujours pas vu la couleur de l'argent. Et c'est alors que, du tac au tac, Djeha lui assène : “Ce garçon a reniflé la viande, c'est comme s'il l'avait mangée, n'est-ce pas ? Toi, tu as entendu l'argent, c'est comme si tu l'avais encaissé ! ki chemit, k'lit. Ki semaat, kh'lest !” À malin, malin et demi. NADIA AREZKI [email protected]