Divisée en deux, l'espace des quatre-vingt-dix minutes qu'aura duré le célébrissime clasico entre le FC Barcelone de Josep Guardiola et le Real de Madrid de José Mourinho, la ville d'Oran a renoué, lundi dernier, avec son histoire et sa relation passées avec l'Espagne. L'ancienne colonie ibérique, qu'on peut contempler du haut de l'imposante Santa Cruz, a, comme d'habitude, vu ses grands boulevards et rues de renom se vider de leur substance humaine à l'approche des 21h qui signifiaient le coup d'envoi du match le plus attendu de l'année de toute la planète football. Pour n'avoir pas de places historiquement vouées au sport roi ou d'esplanades dotées d'écrans géants pour permettre à la foule de suivre cette affiche, les Oranais, qui n'ont pas la chance d'avoir les cartes Al-Jazeera ou les décodeurs Canal Plus, se sont donné rendez-vous dans les cafés et autres pizzerias afin de ne rien rater de ce spectacle annoncé. Depuis quelques années déjà, plusieurs cafétérias, baptisées “Classico” et dont les murs sont placardés de tableaux, drapeaux et posters géants représentant les deux clubs, sont dédiées au fameux choc planétaire entre Castillans et Catalans. Du populaire quartier des Amandiers au cosmopolite site d'Akid-Lotfi, d'El-Barki à Sidi El-Houari, en passant par les tout aussi populaires Petit-Lac, Victor-Hugo, plateau Saint-Michel, M'dina J'dida, El-Hamri, Saint-Eugène, Delmonte et tout le centre de la ville, il n'y avait pas une chaise libre dans les cafés maures, où les inconditionnels des deux camps se sont entassés comme jamais pour suivre, supporter, apprécier et commenter les faits et gestes des Messi, Xavi, Iniesta, Villa, Alves, Ronaldo, Benzema, Özil, Khedira, Casillas et autres Sergio Ramos et Carvalho. La raclée historique infligée par les héritiers de Johan Cruyff aux Madrilènes, le niveau de jeu stratosphérique proposé ce soir-là par les poulains de Pep Guardiola, les prouesses techniques de l'inégalable Lionel Messi ainsi que l'indigeste prestation du onze de Mourinho constituèrent, par la suite, les ingrédients langagiers d'une deuxième partie de soirée tout aussi chaude entre supporters des deux camps. Certains mordus du Barça iront même jusqu'à défiler en voitures, drapeaux et banderoles en main, bravant le froid pour le seul bonheur de laisser exploser leur joie et titiller encore plus l'honneur perdu des habituels — mais devenus subitement discrets — supporters du Real de Madrid.