On est loin des années 1990, lorsque la radio chaouie faisait partie des revendications du mouvement culturel amazigh dans les Aurès. Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et beaucoup de responsables se sont succédé à la tête de Radio-Aurès, qui, au passage, a perdu ce statut, pour se contenter de celui d'une radio locale, du moment que les cinq villes qui constituent le grand Aurès ont désormais leur propre radio locale, en l'occurrence Khenchela, Oum El-Bouaghi, Tébessa et Souk Ahras, ainsi que la capitale des Ziban, Biskra. Est-ce que la concurrence à elle seule explique la forme de désertion des ondes que connaît la radio de Batna, ou y a-t-il d'autres facteurs qui relèvent du goût, du penchant, voire du sentiment d'apparence ou simplement de l'humeur passagère. Ne relevant aucunement d'un sondage d'opinion ou d'investigation, mais juste d'un contact direct avec des citoyens, la radio Batna était au centre du débat que nous avons mené avec des citoyens. C'est dans l'un des plus anciens cafés de la ville de Batna (café Guedra). À 7 heures, le lieu ne désemplit pas, pour son atmosphère rétro et le service à l'ancienne. Un téléviseur diffuse à longueur de journée des programmes de différentes chaînes, mais aussi une fréquence radiophonique prend de temps en temps le relais ; et quand c'est le cas, la voix est donnée à radio Ziban (Biskra). Aussi, bien que le propriétaire ainsi que certains consommateurs justifient leur choix par la qualité du programme matinal, ils disent remettre l'aiguille sur radio Batna, à la diffusion des informations. Même constat chez un coiffeur, Bida. La radio diffuse à longueur de journée, ça meuble le salon de coiffure, et dans ce lieu de commerce artisan coiffeur, le programme écouté est celui de radio Ziban. Interrogé à ce sujet, c'est-à-dire le choix de la radio, Bida nous dit : “J'aime la qualité et les émissions où les sujets sont traités en profondeur. Zapper chaque minute ne m'intéresse pas. On met la radio en marche et on se met au travail ; on n'est pas obligé de changer à chaque fois.” Un chauffeur de taxi dit connaître le programme des radios locales. Avec un autoradio puissant, il se permet de slalomer à travers les différentes fréquences, et choisit le programme qui lui convient, mais aussi qui convient à ses clients. Cependant, il nous informe qu'à Batna ville, il y a des zones où l'on ne capte pas la radio locale de Batna, alors que les autres radios restent audibles et claires. C'est dans le bureau du directeur de la radio locale de Batna, où nous avons été reçus par M. Boumâraf El Jemâi, qui a affiché un grand fair-play quant aux différentes appréciations et jugements portés par les citoyens sur la radio et son programme. “Je suis à la tête de Radio-Batna depuis à peine 16 mois, et avant d'être directeur, j'étais journaliste dans cette même radio. Dans une radio, il n'y pas un seul programme et menu, donc on peut certes ne pas être les meilleurs dans un créneau, mais nous le compensons par d'autres. Vous n'êtes pas sans savoir qu'à Batna, il y a 61 communes et 21 daïras. En matière de travail et d'effort, c'est énorme. Si des citoyens à Batna écoutent ou préfèrent Radio-Ziban ou Radio-Khenchela, je peux vous certifier que dans ces villes, des citoyens de ces mêmes villes sont branchés sur Radio-Batna, et nos émissions interactives le prouvent. Nous recevons des appels de nos auditeurs qui nous sont restés fidèles malgré l'ouverture de radios dans leur région. Je pense que c'est relatif, mis nous devons reconnaître que les zones ne sont pas couvertes, vu le positionnement de nos émetteurs. Nous avons demandé à la tutelle de prendre en charge le problème”, nous dit notre interlocuteur. M. Boumâraf nous montre des trophées (Micro d'or) que les animateurs de la radio ont décrochés lors de différentes manifestations et concours nationaux. Il nous explique aussi que seule Radio-Batna possède les moyens techniques et humains pour la couverture d'événements sportifs. Là aussi, la radio à décroché des prix. Une autre tranche d'auditeurs et d'auditrices réside loin de la ville et peut constituer un fort pourcentage en matière d'écoute. Les zones rurales avaient constitué une réserve d'auditeurs berbérophones pour l'ancienne Radio-Aurès qui avait fait de l'information de proximité son cheval de bataille. De nos jours, et sans le dire, les radios émettant dans le grand Aurès, jusqu'à Souk Ahras, se disputent et s'arrachent les auditeurs, en essayant de répondre à leurs différentes demandes. D'un côté, la concurrence, de l'autre un auditeur qui devient exigeant, mais aussi le boum des médias et de l'internet. Un jeune receveur de bus qui fait la navette entre Batna et Arris nous confie qu'il n'écoute aucune radio, et que la musique qu'il fait écouter aux voyageurs et prise directement de Youtube. À méditer.