Il était une fois un vizir appelé Saheb Ibn Abbad (326-385 h) qui fut aussi écrivain et poète très connu. Et parce qu'il était fan de la lecture et du livre, il se déplaçait dans le désert, durant les jours de paix comme ceux de guerre, toujours, avec une grande caravane constituée de trente chameaux chargés de livres et de manuscrits. Par le temps, le vizir s'est senti fatigué par ce déplacement lourd et chargé. Il vénérait les livres, ainsi il ne voulait absolument pas que le climat dur abîme le prestigieux fonds de sa bibliothèque mobile. Angoissé, il a cherché une issue pour sauvegarder ses livres et sans perturber le plaisir de la lecture. En vain. Les bienveillants vieux livres, ceux qui, dans leur vieillesse, ressemblent aux ravissants vieux vins, racontent ce qui suit : sensible aux livres et auteurs, par un jour, une idée géniale et exceptionnelle est venue à l'écrivain et encyclopédiste Abou Al Faradj Al Asfahani (897-967). Ainsi, il a décidé d'écrire un livre capable de résumer toute la bibliothèque que transportait la caravane du vizir Saheb Ibn Abbad. Il s'est retiré dans sa solitude bruyante dans un silence fécond, loin de toute vie sociale. Cet isolement a duré cinquante ans ! Au bout de cet enfermement libérateur, il est arrivé à réaliser son rêve : écrire un livre immortel qu'il a intitulé Kitab Al Aghani (le livres des chansons), constitué de vingt et un tomes. Une perle ! Ibn Khaldun l'a qualifié comme l'un des meilleurs livres de la bibliothèque arabe à travers tous les temps.Le livre est bouclé, et selon l'habitude intellectuelle arabe d'antan, Abou Al Faraj Al Asfahani a envoyé une copie au vizir, poète et écrivain Saheb Ibn Abbad. Une fois le vizir l'a lu, il a décidé de ne plus déplacer sa caravane de trente chameaux chargée de livres. Il s'est contenté par la présence et l'accompagnement du livre Al Aghani. Si Abou Al Faraj Al Isfahani, par l'écriture d'Al Aghani a enregistré cette percée historique et géante qui a bouleversé le temps, l'espace et l'art de la lecture, la technologie, à son tour, dans le domaine livresque nous étonne, de plus en plus, elle nous surprend. Aujourd'hui, nous embarquons dans un avion avec une petite “machine” qui pèse à peine deux cents grammes, un peu moins, un peu plus, qu'importe ! Ce petit génie appareil avec son application : iBooks. Lampe à merveilles ! comprend plus de deux cent mille livres. Quel paradis ! Nous voyageons avec, ou dans, une bibliothèque ouverte. Sur ce petit écran, nous lisons des livres virtuels. On peut alors tourner les pages, utiliser des marque-pages virtuels, changer la police, modifier la taille des caractères, régler la luminosité, écrire une observation ou annoter une page... tout a été pensé ! Ou alors acheter un livre virtuel. Cette opération ne prend que quelques secondes ! beaucoup de livres sont gratuits. En présence de cette “lampe à merveilles” iBooks, quel avenir est réservé à la bibliothèque classique, aux maisons d'éditions et à l'écrivain ? 1. La bibliothèque-papier, dite classique, deviendra par le fait et le jugement de l'histoire une sorte de nouveau musée. Elle sera un espace visité par nos enfants futurs, visite guidée. Face à ces centaines de kilomètres de livres, des millions de documents en papier, tous genres de papiers, acidifiés ou permanents, les enfants de demain-virtuel seront étonnés. En même temps fascinés par ce rapport passionnel que cultivaient leurs parents envers ces “choses” lourdes et encombrantes ! Le livre-papier ! 2. Certes, les maisons d'édition, avec leurs conceptions actuelles, seront condamnées à disparaître. Il n'y aura plus de tirage papier. Il n'y aura plus de rentrées littéraires avec des milliers d'exemplaires diffusés en hâte dans les librairies ! Mais certes, l'édition continuera d'exister. Elle prendra une autre forme, adhéra à une autre philosophie. Editer un livre-papier de demain, c'est faire un livre à l'image d'une toile de peinture. Le livre-papier de demain-virtuel sera une pièce d'art ! 3. Seul l'écrivain, créateur de textes, restera le maître du jeu. Eternel ! ni Google ni Al Asfahani ne pourront se passer de sa présence. L'écrivain, la seule “créature” qui demeurera capable de défier le déluge de la technologie ! A. Z. [email protected]