Autrefois, un grand Sultan était fiancé à une belle princesse très vertueuse qui habitait un pays fort lointain. A la bonne saison, il chargea une caravane de présents somptueux et entreprit le voyage qui devait le conduire chez le Sultan, son futur beau-père, pour célébrer le mariage. Cette princesse fort aimable avait pour amie la fille du Vizir à laquelle elle était liée par un serment. — Ecoute ! Je jure que si je me marie la première, je t'emmènerai avec moi ! Mais si jamais c'est toi qui te maries la première, je te suivrai, lui avait-elle promis. Après les festivités qui durèrent sept jours et sept nuits, la caravane du retour se prépara. Des réserves d'eau, des cruches de café, des nourritures de toutes sortes furent chargées sur les mules. La route s'annonçait longue et il fallait nourrir tous les gens du Sultan. Sur les chameaux on disposa des coffres contenant les toilettes, les parfums les plus rares et les bijoux les plus précieux. Une Jehfa (palanquin) pour la mariée fut dressée sur la plus belle des chamelles. Mais au moment de partir la princesse déclara : — Ecoutez ! J'emmène la fille du Vizir avec moi. Vous lui apporterez des présents aussi somptueux que les miens. Je veux qu'elle bénéficie des mêmes faveurs que moi. La fille du Vizir reçut les mêmes présents que la fille du Sultan. Mais lorsque les servantes la coiffèrent, elles découvrirent avec horreur qu'elle avait une mèche recouverte de poux et une autre recouverte de lentes. La princesse, elle, possédait une mèche en or et une en argent. Les jeunes filles furent parées séparément, mais elles furent installées sous la même Jehfa. La caravane s'ébranIa peu à peu et s'éloigna au son de la musique, des chants, des rires et des youyous. Sur la route, la fille du Vizir qui était en réalité rongée par la jalousie et la haine, profita des bruits de la fête et planta dans le crâne de la princesse une aiguille ensorcelée avant de la pousser en dehors du palanquin. En touchant le sol, la princesse se transforma en perdrix. La caravane continua sa route avec la fille du Vizir qui paradait sous sa Jehfa. Lorsque le cortège arriva au pays du jeune Sultan, les serviteurs se précipitèrent pour descendre la mariée avec son amie. Surpris de ne trouver qu'une seule jeune fille, ils demandèrent : — Mais où est l'autre femme ? Vous étiez bien deux ? — Je suis la fille du Sultan. La fille du Vizir a rebroussé chemin. Elle a trahi notre serment, expliqua l'usurpatrice. Le marié, n'ayant jamais vu sa fiancée, ne soupçonna rien. Elle cachait bien ses mèches pullulant de poux et garnies de lentes. Cependant, il était déçu car il ne la trouvait ni jolie, ni aimable comme on le lui avait rapporté. Quant à la fille du Sultan transformée en perdrix, elle vola jusqu'aux jardins du palais, se posa sur une haute branche et chanta ce refrain à l'attention du jardinier : — Ô jardinier ! Toi qui as planté des poiriers et des grenadiers ! Comment se passent les jours de la fille du Vizir chez le Sultan ? L'homme répondit, malgré lui : — La fille du Vizir règne et se prélasse dans la soie et le satin. Elle a engagé des tamiseuses, des rouleuses de couscous et ses servantes travaillent pour elle. (à suivre...)