Sitôt un mandat présidentiel entamé, on ne se soucie plus que de la manière de s'emparer du mandat suivant. Causes favorites des ambitions rentières, elles constituent une occupation passionnée des illusionnistes les plus expérimentés et des apprentis manœuvriers les plus ingénus, celles représentées par les Belkhadem comme celles symbolisées par les Ayachi. La professionnalisation de ce sport d'élite qui consiste à se pousser du coude pour se montrer le plus fervent défenseur sinon l'initiateur d'un mandat indéfiniment renouvelé a produit le résultat que l'on sait : l'annonce presque simultanée de la candidature de Abdelaziz Bouteflika et de son frère Saïd aux “élections” de 2014 ! On ignore si Ayachi, apparemment un habitué des comités de soutien, avait mandat d'annoncer la perspective dynastique de notre pauvre République, mais son pathétique démenti, autant que la cavalière annonce qui l'a précédée, montrent que le pays ne met même plus les formes dans la manière de se laisser soumettre. Belkhadem n'a pas fait mieux en déclarant la candidature FLN du président sortant quatre ans avant l'échéance. Maintenant que la Constitution est adaptée à une présidence à vie, et que le contexte général est ajusté à l'objectif d'une succession autoritairement contrôlée, la projection n'a rien d'irréaliste ; seulement, là aussi, les formes auraient pu être préservées. Même si le principe d'alternance au pouvoir est violé, même si la fraude réduit les élections à un maquillage d'une décision antérieure, il reste plus glorieux, pour un Président, d'être reconduit à l'issu du bilan de son précédent parcours. Mais non, dans son souci de raccommoder son lien légitime avec le Président, Belkhadem se précipite à annoncer le choix que son parti n'a pas encore officiellement fait. Confirmant, ainsi, que ce ne sont pas les partis qui font le président, mais le président qui fait les partis. Malgré ce fait évident que la réalité politique du pays n'a rien à voir avec sa scène politique, on continue à nous amuser avec des crises, des réunions, des votes, des annonces qui nous captivent jusqu'à de plus amples informations. Car, enfin, l'univers politique national a ceci d'unique permanence : il est aléatoire. Nécessairement. Parce qu'il tient par une logique de rapport des forces qui interdit les évolutions démocratiques ordonnées. Les acteurs de cette politique sont dans la même ambiance d'incertitude que les spectateurs, nous, qui leur servons d'opinion publique, de témoins. Alors, pendant que les spectateurs s'ébahissent devant les péripéties virtuelles de leur scène politique, les acteurs se bousculent, chacun selon son clan, dans la course sans fin à la position dans un régime qu'ils croient tous immuable. Et puisque cette immuabilité est à la base de leurs stratégies partielles, ils en deviennent les défenseurs solidaires. Dans un contexte où tout est incertain, le salut individuel et collectif du sérail est de s'amarrer au seul objectif réalisable, justement parce qu'il synthétise les intérêts de ce sérail : la pérennité du régime. La question de la présidence de 2014 les agitent bien plus que ne les perturbent les échecs de 2010 ou les menaces de 2011. Ce n'est pas avec cela qu'on construit l'avenir d'une nation. Ni son présent. M. H. [email protected]