“Le mécanisme ad hoc” que Bouteflika vient de mettre en place n'est donc qu'un “centre de gestion et une interface entre les pouvoirs publics et les familles concernées”. Farouk Ksentini, président de l'imprononçable Cncppdh et président du “mécanisme”, y voit tout de même un moyen de recherche des personnes portées disparues et d'informations sur les recherches et les procédures juridiques et d'indemnisation. Me Ksentini en est convaincu : il peut boucler la question “dans un délai compris entre quatre et cinq mois”. Mais, “cela ne sera pas facile à cause des manipulations politiciennes”, ajoutera-t-il. Il aurait été utile que le défenseur institutionnel des droits de l'Homme précise si la manipulation est contenue dans la conception même de l'engin ad hoc ou s'il la soupçonne provenant de positions hostiles à sa mission. En attendant, il devra s'entendre avec le Président qui, lui, a prévu une durée de vie de dix-huit mois pour la machine ; il serait étonnant qu'il accepte de rendre compte de son initiative “dans un délai compris entre quatre et cinq mois”. Pas de vagues avant avril 2004 ! Selon un journal “conciliant”, ce ne serait pas l'Association des familles de personnes enlevées par les terroristes qui pose problème, mais “la seconde”, écrit-il laconiquement, “celle qui saisit les ONG et les instances internationales pour défendre sa cause”. Pour le premier cas, “la structure mise en place pourra répondre à ses attentes” ; la même structure ne pourrait pas “fournir des réponses sur les circonstances des disparitions et le sort des disparus”, auxquelles, à l'inverse des premiers, ceux-là ont droit ! Ainsi, mort ou disparu, il ne faut pas être victime des islamistes pour que votre sort mérite quelque attention. La “disparition”, thème politique manipulé jusqu'à l'usure, vient donc d'être repris par Bouteflika à son compte personnel dans la perspective électorale de l'année prochaine. Ironie symbolique, le journal Liberté est, pour l'instant, et à son insu, représenté dans la mécanique en question. Ce qui m'oblige à une plus grande clarté d'opinion. Et surtout à rappeler que la guerre entre la République et le terrorisme islamiste, même si elle connaît une phase de décroissance de l'efficacité criminelle des groupes armés, n'est pas encore finie. Or, la question des disparus vise, grâce à l'amalgame qu'autorise le terme générique de disparus, à mettre en position défensive l'armée et les corps qui ont participé à la lutte contre le terrorisme. Pourquoi donc un Etat, qui a pris l'initiative insupportable pour les victimes du terrorisme de mettre les meurtriers hors de la vérité et de la loi, s'impose-t-il un devoir de justice pour les seuls disparus ? Pourquoi rechercher des assassins possibles pendant qu'on protège des criminels avérés ? La stratégie du “qui tue qui ?” dont procède la question des disparus telle qu'elle est manipulée ne produit ses effets que dans la confusion qu'elle crée, qu'elle entretient et qu'elle exploite. Ce “mécanisme ad hoc” est la contribution du pouvoir actuel à cette stratégie. M. H.