Pour les associations concernées, cette initiative n'est qu'une “manœuvre destinée à clore ce dossier sensible”.Les comités des familles des disparus sont unanimes : la mise en place de la commission ad hoc, chargée officiellement de faire la lumière sur les milliers de disparus, durant la décennie écoulée, n'est rien d'autre qu'une “manœuvre” destinée à “tromper” l'opinion nationale et internationale et à “clore le dossier” en perspective de la prochaine échéance électorale. Réunis, hier, au siège de l'association SOS Disparus, les représentants des familles des disparus des wilayas de Blida, Médéa, Djelfa, Alger, Tipasa, Tlemcen, Mostaganem, Constantine, Oran et Relizane, même s'ils ne sont pas encore arrivés à arrêter les actions à entreprendre en raison notamment de “l'ignorance” des textes qui régissent la nouvelle structure, émettent, d'ores et déjà, des doutes sur les objectifs assignés à la commission présidée par Me Farouk Ksentini. “Ce dossier leur fait honte, ils veulent le clore”, affirme d'emblée Nacéra Dutour. “On connaît le sort des commissions”, renchérit, pour sa part, le représentant de Tlemcen. La représentante de Tipasa, qui dit connaître les auteurs du rapt de son enfant ne se fait pas, elle aussi, d'illusions : “On n'a pas confiance en cette commission, surtout Ksentini. On lui a présenté des dossiers, à ce jour, il n'a rien fait.” Remarquable mais aussi émouvante, l'intervention du représentant de Constantine n'a pas manqué de relever que “la responsabilité des disparitions se situe au niveau des sphères de l'Etat”. “Quand je traverse les ponts de Constantine, je me surprends toujours à penser à ces dizaines de personnes jetées par-dessus”. “L'Etat doit assumer ses responsabilités et non pas manœuvrer pour tromper l'opinion”, dit-il. Si les représentants des familles des disparus doutent de la sincérité de Bouteflika de trouver une solution définitive à cette question sensible, au centre des luttes politiciennes, c'est essentiellement pour au moins trois raisons : “Bouteflika a déjà dit que les disparus sont morts”, se rappelle Nacéra Dutour. La deuxième raison, c'est le refus d'associer les représentants des familles, leurs avocats et des représentants de la Ligue des droits de l'Homme dans la structure en question. Enfin, l'argument qui revient comme une litanie, les promesses non tenues de Me Ksentini en dépit de son engagement après la réception d'un mémorandum des familles des disparus le 5 septembre 2001. Certains ne manquent pas, également, de relever que la plupart des membres qui composent le Mécanisme ne connaissent même pas les familles des disparus. Cependant, en dépit de ce chapelet de griefs contre le Mécanisme présidé par Me Ksentini, les représentants des familles des disparus n'ont pas encore arrêté de position définitive à l'égard de cette structure. En attendant de prendre connaissance des textes qui régissent la nouvelle structure, les comités des familles des disparus projettent d'organiser d'autres réunions dans les prochaines semaines pour définir les futures actions à entreprendre. “On ne va pas s'arrêter ; pour nous, c'est une question de vérité et de justice. Ils ne nous achèteront pas avec de l'argent”, soutiennent à l'unanimité les représentants des familles des disparus. Allusion aux indemnisations prévues par les autorités. Evalués à 7 200, selon Me Ksentini qui tient le chiffre de la gendarmerie, et à plus de 18 000 par les familles touchées, les disparus sont depuis longtemps au centre de luttes politiciennes. À ce jour, aucun cas n'a été élucidé. Toutes les promesses données par les autorités n'ont jamais connu de suite. Même le comité ad hoc, installé par Abdelaziz Bouteflika, le 20 septembre écoulé, à quelques mois de la présidentielle, n'a pas la prérogative d'enquête. “D'un mandat de 18 mois, cette structure est conçue comme un centre de gestion et une interface entre les pouvoirs publics et les familles concernées”, avait expliqué le président Bouteflika. K. K.