Le gouvernement, pris à son propre piège, semble abdiquer devant un secteur informel qui brasse environ 600 milliards de dinars, soit 17% de l'ensemble des revenus primaires nets des ménages algériens. Qui l'aurait cru ? Le ministre du Commerce, M. Mustapha Benbada, a appelé, jeudi, producteurs et importateurs d'huile et de sucre à annuler toutes les conditions de vente imposées aux grossistes, indique un communiqué du ministère. Lors d'une réunion, jeudi, avec ces opérateurs, le ministre a imputé la hausse des prix de ces deux denrées, le sucre et l'huile, “aux pratiques illégales de certains commerçants qui ont vendu les anciens stocks à des prix élevés et injustifiés, notamment après que les producteurs eurent imposé aux grossistes de nouvelles conditions pour les amener à se conformer aux lois en vigueur”. Le kilogramme de sucre est passé de 90 DA en décembre à plus de 130 DA. Le prix de l'huile a augmenté de 30%, celui de la farine, aussi. Matière nécessaire pour la fabrication des entremets et des confiseries, la margarine a également vu son prix grimper à 1 700 DA les 10 kilos alors qu'elle faisait 1 250 DA il y a quelques jours. En d'autres termes, les grossistes semblent avoir anticipé les nouvelles mesures promulguées par le gouvernement qui avaient pour objectif de lutter contre les pratiques informelles. L'obligation de paiement par chèque pour toutes les transactions dépassant les 500 000 DA, contraint les grossistes à déclarer leurs impôts et à utiliser la facture. Ils sont obligés de facturer aux détaillants la taxe sur la valeur ajoutée, et la taxe sur l'activité professionnelle, alors qu'ils ne le faisaient pas auparavant. Le gouvernement s'est pris dans son propre piège, et semble avoir abdiqué devant un secteur informel qui brasse environ 600 milliards de dinars, soit 17% de l'ensemble des revenus primaires nets des ménages algériens. Un chiffre qui donne le tournis. Le ministre affirme avoir annulé les nouvelles conditions imposées en début d'année aux marchands de gros et qui, ajoutées à la hausse des prix sur les marchés mondiaux, ont déstabilisé l'approvisionnement en produits de large consommation d'où la hausse subite de leur prix. Pourtant, certains producteurs affirment qu'ils n'ont pas augmenté leurs prix. Le patron de Cevital, dans un entretien au journal électronique TSA, indique qu'il n'a augmenté ni le prix du sucre ni celui de l'huile. “Nous n'avons pas augmenté nos prix. Nous travaillons sur les anciens stocks de matières premières”, a-t-il assuré. Le gouvernement est désarmé devant la défiance croissante vis-à-vis de la fiscalité et la prolifération de la corruption. Plus grave encore, cette informalisation génère des masses de capitaux insoupçonnées qui risquent de s'ériger en obstacle sérieux à toute réforme du secteur. “Nous pensons que nous commençons à maîtriser cette crise et nous souhaitons lui trouver une solution dès le début de la semaine prochaine”, a affirmé le ministre dans une déclaration à la presse. “Les commerçants sont appelés, a-t-il dit, à s'approvisionner normalement en huile et en sucre auprès des unités de production et des importateurs et à en doter tous les points de vente selon les prix convenus.” Il a, par ailleurs, affirmé que les pouvoirs publics accompagneront les opérateurs économiques et les commerçants “pour assurer l'approvisionnement normal du marché national” de ces deux matières dont les cours ont connu “une hausse sensible” début janvier en dépit de leur disponibilité. Un groupe de travail conjoint a été installé en vue de permettre aux producteurs de contribuer à la mise en place de mécanismes réglementaires et de textes d'application de la loi sur la concurrence ainsi que des nouvelles pratiques commerciales relatives à la définition de la marge bénéficiaire des produits de large consommation. Il fallait, peut-être, commencer par cela. L'absence de concertation, l'autoritarisme qui dicte les décisions économiques, réduisent la crédibilité de ces mesures et suscitent des oppositions quant à leur application. Les opérateurs se disent prêts, a indiqué le ministre, à contribuer à “l'élaboration du dispositif réglementaire que nous sommes en train de finaliser”. Ce dispositif, ajoute-t-il, fera l'objet d'une étude préliminaire lors d'un conseil interministériel pour examiner les modalités de définition des marges bénéficiaires concernant les produits de large consommation, y compris le sucre et l'huile, conformément à la volonté politique visant la préservation du pouvoir d'achat des catégories à revenu faible. Hier encore, le ministre du commerce a annoncé la tenue, aujourd'hui, d'un Conseil interministériel pour examiner les moyens de juguler la forte hausse des prix de certains produits de large consommation enregistrée ces derniers jours. On parle de l'exonération ou la baisse de la TVA pour certains produits, notamment l'huile et le sucre, comme le gouvernement l'a fait pour la pomme de terre en 2007. On évoque aussi une légère revalorisation du dinar. En attendant, le consommateur algérien subit le diktat des spéculateurs.