L'explosion sociale était prévisible depuis plusieurs mois après la suppression des marchés informels, les opérations de relogement et l'augmentation soudaine des prix des matières essentielles. La police a-t-elle informé les autorités publiques sur d'éventuelles émeutes comme l'exige sa mission ? Pourtant, les services de police doivent établir des rapports sur tout indice de révolte sociale prévisible et prévenir les autorités. Les dernières émeutes qui ont secoué la capitale exigent-elles une réforme de fond de la police de proximité surtout dans la manière de disposer d'une vraie police de proximité la renvoyant à une police d'investigation sur renseignement pas une police versée aujourd'hui dans la sécurité routière ? Même si une source sécuritaire nous confirme que des “rapports ont été transmis aux chefs”, les services de police ont-ils mentionné dans ces rapports le bouillonnement des jeunes des quartiers qui ont déjà connu de violentes émeutes et affrontements ? Visiblement, aucun dispositif préventif n'a été mis en place dans les quartiers “suspects”. En revanche, les policiers ont été pris par l'effet de surprise et les émeutes ont causé des dégâts importants aux structures de l'Etat et aux entreprises privées causant des milliards de préjudice. Alors une question, à qui incombe le rôle constitutionnel de protéger les édifices publics et les biens des personnes qui ont été les premiers ciblés dans ces cas ? Et pourtant, c'est la mission principale inscrite dans le cadre de la police de proximité. Le ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, avait affirmé, lors de l'installation du général-major Hamel à la tête de la DGSN, qu'il accorde “beaucoup d'importance aux renseignements généraux”. Le ministre avait également indiqué que la lutte contre la subversion et la grande criminalité “ne peut réussir que par le renseignement”. Ould Kablia avait relevé que l'administration du territoire “ne peut se faire sans une connaissance de la situation générale prévalant dans le pays”, soulignant la nécessité de “revenir aux analyses périodiques qui éclairent de manière pertinente les plus hautes autorités sur le climat qui prévaut dans le pays”. Pour le ministre, cette mesure permettra d'anticiper sur la conduite des politiques publiques. Ould Kablia avait appelé également à “privilégier les mesures et l'action préventive pour réduire l'action répressive”, soulignant la nécessité d'“une démarche de proximité”. Pour sa part, le DGSN, le général-major Abdelghani Hamel, a insisté, depuis sa désignation, sur l'importance de la prise en charge des préoccupations du citoyen, sa protection et celle de ses biens. Il a rappelé, à plusieurs reprises, les principales missions du corps de la police, notamment celle d'assurer la sécurité et la quiétude, tout en insistant sur “la nécessité d'être à l'écoute des préoccupations du citoyen et d'adopter une méthode préventive, de sensibilisation et d'orientation”. Etait-ce le cas dans ces dernières émeutes ? Plusieurs édifices publics tels que les banques, les établissements scolaires, les centres de santé ont été saccagés et pillés ainsi que des magasins privés complètement détruits et volés. Qui payera la facture ? À Alger, le nouveau chef de Sûreté n'a pas manqué, de son côté, d'instruire ses éléments à établir des rapports en temps réel sur le climat social. Le travail des renseignements a-t-il échoué et à quel stade ? D'autant que depuis les opérations de relogement, les services de police ont déjà saisi des quantités considérables de bouteilles de cocktail Molotov et d'armes blanches. La veille des émeutes, des individus “étrangers” rôdaient dans plusieurs quartiers de la capitale et n'ont pas été repérés, ne serait-ce que pour identification d'autant que la capitale est la cible privilégiée des terroristes. Alors entre criminalité grandissante et résidus de terrorisme, les choses sont loin d'être gagnées. Quel rôle pour les Sûretés urbaines de proximité ? Des sûretés urbaines de proximité ont été installées pour renforcer la police de proximité à travers la coordination avec les associations et la société civile et ce, depuis l'année 2008, à quelques mois des premiers attentats kamikazes dans la capitale. Ces sûretés urbaines ont été implantées dans les quartiers populaires et à proximité des bidonvilles “pour mieux assurer et gérer la sécurité du citoyen dans ces endroits considérés comme fiefs de la criminalité”. On compte aujourd'hui près de 127 sûretés urbaines. Ces structures avaient pour mission de détecter tout signe annonciateur de malaise social et de risque de soulèvement. En revanche, aucun dispositif n'a été prévu dans ces quartiers pour éviter ainsi tout débordement vers les rues principales de la capitale d'autant que les premières cibles étaient les commissariats. La police “de proximité” dans ces émeutes n'a pas pu repérer les meneurs ou les manipulateurs qui seraient derrière la sortie des jeunes à majorité mineurs facilement maniables. Les changements et les résultats Quelques mois après son installation, le DGSN a procédé à des changements à la tête de plusieurs sûretés de wilaya et daïra considérés comme le plus grand mouvement qu'ait connu l'institution policière. Au niveau de la capitale, ce sont 7 chefs de sûreté de daïra qui ont été remplacés “pour donner un nouveau souffle à la police”. L'ex-directeur des renseignements généraux de la wilaya d'Alger, Benyettou, a réintégré aussi son poste après avoir été relevé par Ali Tounsi en 2008, pour une “bavure” dans son service. Le DGSN a visé par ces changements “la réforme” de la police et le rendement surtout dans le cadre de la lutte contre la criminalité sous toutes ses formes. Pour plusieurs observateurs, le degré de ces émeutes a révélé des failles au niveau du renseignement puisque les changements n'ont pas visiblement pris en compte cette donne.