Des sommes importantes ont déjà été engagées dans les programmes de réalisation des infrastructures. Cependant, les problèmes majeurs de notre nation sont toujours là, aussi profonds, aussi graves, non résolus. Notre économie est de plus en plus volatile, vulnérable et dépendante, toujours sous perfusion des hydrocarbures. Nous vivons quasi exclusivement de l'exportation des hydrocarbures appelées à s'épuiser dans un avenir que nous ne pouvons repousser trop loin. Le chômage des jeunes est toujours là, c'est la plaie majeure de notre pays, avec la corruption. La population majoritairement urbaine désormais, vit dans des villes que nous voyons devenir des dépotoirs et nos services publics (transport, éducation, santé…) ne cessent de se dégrader, malgré des budgets en augmentation. Il faut également noter que chaque dinar investi dans la construction d'infrastructures appelle dans le futur les dépenses de plusieurs dinars pour le fonctionnement, la maintenance et autres coûts d'exploitation des réalisations. Autrement dit, quand on investit des milliards de dollars dans la construction aujourd'hui, on impose aux générations futures des dépenses de plusieurs milliards de dollars seulement pour maintenir et faire fonctionner ce qui a été construit. Lorsque nous parlons de 286 milliards de dollars d'investissement en 2010-2014, nous ne parlons pas d'une épargne réalisée sur des revenus permanents renouvelables à partir de notre travail ou notre développement technologique, mais d'extraction en quelques années d'un patrimoine non renouvelable que la nature a mis des centaines de millions d'années à constituer. C'est aussi l'équivalent de 2,6 millions de barils à exporter chaque jour. À cela, il faut ajouter les barils à exporter pour couvrir le déficit du budget de fonctionnement et ceux qu'il faut extraire pour répondre à la demande intérieure. Qui peut se donner le droit d'utiliser plus de la moitié des réserves en quelques années sans consulter le peuple et sans en débattre dans des institutions libres et performantes ? N'est-ce pas piéger l'avenir des générations futures ? Dans quelle situation va se trouver le pays à l'achèvement de ce programme, fin 2014 ? Des réserves d'hydrocarbures sur la voie de l'épuisement. Des constructions sans développement qui vont exiger plus d'exportations de ressources naturelles pour financer leur maintenance et leurs frais d'exploitation. Un budget de fonctionnement appelant à plus d'exportation d'hydrocarbures pour combler un déficit très élevé. Autrement dit, un fort besoin d'exportation des hydrocarbures face à des réserves de plus en plus rares. Le défi économique et social, c'est le passage d'une économie de rente, atteinte de la malédiction des ressources à une économie compétitive qui assure la protection des individus et un développement individuel et collectif harmonieux. J'ai proposé un programme complet pour mettre en place cette économie de développement qui s'appuiera sur une politique rigoureuse et efficace de transformation du capital naturel non renouvelable (les hydrocarbures) en un capital humain générateur de flux de revenus stables et durables. Cette politique comprend notamment la réallocation d'une partie significative des investissements excessifs actuels dans les infrastructures vers des investissements ciblés dans le secteur productif de biens et de services, mais surtout des investissements de plusieurs milliards de dollars dans les ressources humaines (éducation, savoir, compétences…), afin de promouvoir une génération d'entrepreneurs possédant la capacité de leadership, la moralité, l'intelligence et le jugement, et de former des cadres gestionnaires à tous les niveaux dans les entreprises et l'administration. La relève des cadres dirigeants partant à la retraite doit être assurée en urgence par le biais d'ambitieux programmes de formation et de promotion de la relève, pour compenser la trêve remarquée pendant deux décennies dans la formation des cadres. Cette politique a été suivie avec succès dans les pays émergents qui ont connu cette phase de développement, la Chine notamment. De même, il s'agit de mettre en place une véritable politique sociale moderne à même de mobiliser tous les citoyens autour d'une approche axée sur la lutte contre la pauvreté, la préservation de l'environnement et la justice sociale. Cette politique sociale n'est pas la charité. Elle consiste en une stratégie globale contre la marginalisation en encourageant la participation des pauvres à l'essor économique. Elle passe par un investissement massif dans la santé, l'éducation, les autres services sociaux, afin de libérer le gisement de créativité et de participation économique de nos concitoyens complètement marginalisés aujourd'hui. Je proposerai en 2011 un programme complet de politique sociale moderne et tournée vers l'avenir, avec une redéfinition des priorités dans la part du revenu national redistribué et des mécanismes actifs de partage équitable des bénéfices du développement économique et social. J'espère contribuer ainsi à faire de 2011 l'année de la prise de conscience de l'urgence de renouer avec l'idéal séculaire de notre nation de bâtir un pays où les jeunes, les femmes, les faibles, les pauvres, les malades sont protégés et ont toute leur place dans le développement. À jeudi prochain pour l'exposé d'un autre défi. Entre-temps, débattons sur les meilleurs moyens d'avancer vers un avenir de progrès et de prospérité pour tous les Algériens. À la tentation du pessimisme opposons la nécessité de l'optimisme !