Alors que depuis avril 2009, l'opposition partisane fait le dos rond et assiste en spectatrice impuissante aux dérives du pouvoir, l'ancien Premier ministre Ahmed Benbitour s'est démarqué de ce comportement en prenant l'initiative, en novembre 2009, de lancer un mouvement politique sous la forme de «cercles d'initiative citoyenne pour le changement» (CICC). Son espoir est qu'à travers ces cercles, s'ouvre un débat quant à la nécessité d'un changement pacifique du système de gouvernance en place, dont le bilan a conduit aux crises et impasses qui bouchent les horizons nationaux. Depuis, de temps à autre, Benbitour rédige des contributions dans lesquelles il développe des points de vue sans concession sur ce système de gouvernance et propose des sujets de débat qu'il soumet à l'application critique des cercles d'initiative citoyenne s'étant organisés en réponse à son appel, mais également à l'ensemble de l'opinion nationale. Dans celle qu'il a fait paraître mercredi 30 juin dans le quotidien El Watan, Benbitour s'est illustré par une critique en règle sur la stratégie de développement adoptée par le pouvoir en place depuis 1999, ayant consisté en des programmes d'investissement aux enveloppes faramineuses. Pour l'ancien Premier ministre, ces programmes ont démarré sur une confusion fondamentale entre développer et construire. A ses yeux, c'est la seconde préoccupation qui a prévalu chez nos gouvernants. Or, construire comme ils le font n'amène pas le développement, estime-t-il, car cela revient à se contenter de l'accumulation de moyens matériels et financiers, d'autant que la réalisation est confiée à des entreprises étrangères. Ce qui mène au constat que si des sommes importantes sont engagées dans les programmes gouvernementaux, les problèmes majeurs de la nation sont toujours là, aussi profonds, aussi graves, non résolus. Cette façon d'agir des gouvernants en place se traduit, selon Benbitour, par la dilapidation, sans bénéfice pour la nation, des recettes générées par ses ressources d'hydrocarbures non renouvelables. La démarche des gouvernants actuels est qualifiée par l'ancien Premier ministre d'option de fuite en avant qui, loin de résoudre nos problèmes majeurs, ne fera que les aggraver en ouvrant la voie à davantage de corruption, de malvie, d'exaspération et de désespoir de la société. D'où pour lui l'urgence et la nécessité d'une refondation de notre système de gouvernance qui permette réellement de voir accéder au pouvoir une nouvelle génération de dirigeants politiques compétents et intègres. Si au niveau de l'analyse, le plaidoyer de Benbitour est convaincant, de même que les solutions qu'ils préconise en tant qu'alternative à l'économie rentière qui plonge le pays dans une profonde malédiction des ressources naturelles, en revanche, rien ne nous est dit sur le comment faire pour réaliser ce changement de système de gouvernance, qui est tout de même la condition «sine qua non». D'autant que Benbitour n'en est plus à croire à un changement de cette nature pouvant venir de l'intérieur même du système en place. Que faire alors, comment agir pour amener ce changement dans «le calme et la sérénité», tel que le voudrait l'ancien Premier ministre ? C'est là la quadrature du cercle à laquelle se heurte son raisonnement, tout comme celui des autres opposants au système en place et à ses hommes. Le débat citoyen est indispensable, mais il n'est pas suffisant pour contraindre le système et ses tenants au changement espéré.