Le Dîwan Abdeltif propose, pour la saison 2010/2011, un florilège d'auteurs Actes Sud. Après Nimrod, Luigi Guarnieri et Andreï Guelassimov, le samedi 29 janvier prochain, la salle Frantz-Fanon (Riadh El Feth) abritera une rencontre avec l'auteur français Mathias Enard. Lauréat du Goncourt des lycéens 2010 pour son roman, dense, aux accents lyriques et au titre évocateur, Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants (une phrase qui appartient à Rudyard Kipling qu'il utilise dans son introduction d'Au Hasard de la vie), Mathias Enard présentera à Alger son œuvre et sa conception de la littérature largement explicitée dans son dernier-né. En effet, Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants est le roman de toutes les transformations : celle d'une ville, mais aussi d'un artiste et d'une œuvre. C'est l'histoire de Michel-Ange, architecte, poète, sculpteur et peintre. Cette figure de proue de la Renaissance “brave la puissance et la colère” du pape guerrier, Jules II, et se rend à Constantinople à l'invitation du roi Bayezid le juste afin de concevoir un pont sur la Corne d'or. Arborant une écriture élégante et avec une grande maîtrise des arts de la concision et de la contemplation, Mathias Enard truffe son roman d'allusions, d'oppositions (entre autres Orient/Occident) et surtout de sous-entendus. L'incomplétude des personnages nous laisse comme un goût d'inachevé, mais n'est-ce pas là le sens même de la beauté telle que la définit Enard, à la page 57, lorsqu'il écrit : “La beauté vient de l'abandon du refuge des formes anciennes pour l'incertitude du présent.” Outre les importantes dimensions politiques et stratégiques du pont, il est, dans le roman, une belle métaphore sur les rapports entre l'Orient et l'Occident. Mathias Enard développe également des réflexions sur l'art, de manière générale, mais aussi sur l'écriture qu'il considère, à la page 64, comme étant l'art “de la hauteur de la lettre, de l'épaisseur du trait qui donne le mouvement, de l'agencement des consonnes, des espaces qui s'étendent au gré des sons”. Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants est un roman abouti qui donne la possibilité de réfléchir sur l'art mais aussi sur le monde.