Après avoir appelé au rassemblement des forces démocratiques autour de revendications consensuelles, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) s'est bien investi dans la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), regroupant des syndicats autonomes, des organisations de la société civile et des partis de l'opposition. Rencontré dans son bureau, Saïd Sadi donne l'air de fonder bien des espoirs sur cette nouvelle structure transpartisane, même s'il n'ignore pas que le pouvoir fera tout pour perturber cette dynamique de rapprochement par les polémiques ou les provocations. “Le fait que des militants de sensibilités différentes se soient rapprochés et organisés autour d'un consensus est une vraie avancée dans la culture politique algérienne. Il faudra veiller à ce que cette synergie se consolide et s'amplifie. Le combat ne fait que commencer”, souligne-t-il. Comment apprécie-t-il la situation du pays à la veille de l'épreuve du 12 février ? “Elle est d'une telle gravité que si des initiatives fortes ne sont pas prises rapidement pour sortir par le haut du système qui a dévasté le pays, la nation algérienne connaîtra de terribles épreuves et risque même d'être remise en cause dans sa cohésion.” Aussi, “le devoir patriotique” recommande à chaque Algérien de s'investir pour “apporter tout ce qu'il peut et partout où il se trouve”. Surtout que le Sud, de Tunis à Abidjan, connaît des bouleversements sans précédent. “Nous sommes en train d'assister à un vrai mouvement historique d'envergure planétaire. Le Sud s'exprime et se libère par la mobilisation citoyenne. Les apparatchiks qui l'ont soumis n'ont plus le monopole de la parole. L'histoire est en marche, nul ne peut la mettre au congélateur, le tout est de faire de sorte que l'évolution se fasse de la meilleure manière possible”, explique-t-il. Mais au lieu d'aller dans le sens de l'histoire, le pouvoir algérien se complaît dans “un autisme qui se traduit par des messages indéchiffrables”. Et Sadi de poursuivre : “Les manœuvres ne sont plus de mise. C'est irresponsable, dangereux et inadmissible.” Ne craint-il pas que la marche du 12 février connaisse le même sort que celle du 22 janvier dernier ? “Le coût politique, diplomatique et médiatique payé par le régime le 22 janvier est très lourd. Cela dit, le système politique algérien est par définition imprévisible, surtout quand il est paniqué, ce qui est le cas actuellement”, résume le président du RCD, non sans souligner que ce régime “se résoudra difficilement à admettre que l'avenir passe par son extinction”, car “il n'a ni la lucidité, ni l'intelligence, ni la cohésion nécessaires pour adopter une position responsable face à la fin d'un cycle historique”. Et face à l'opposition, il peut être tenté de ressortir la vieille recette de la provocation médiatique et politique, comme “le chantage à l'islamisme ou au chaos”. “Pour l'instant, outre ses supports médiatiques qui peuvent continuer à désinformer et invectiver, il n'a pas d'autres ressources à opposer pour réduire l'ampleur de la marche du 12 février”, relève Saïd Sadi qui en appelle à la vigilance et à la mobilisation des Algériens, pour que “cette marche soit un moment de consécration de tous les sacrifices consentis par notre peuple pour que naissent les conditions qui libèrent la nation d'une hibernation indigne de notre histoire”. “Les initiatives du 12 février et du 22 janvier ne sont pas une finalité”, tient-il à ajouter. “Il faudra accompagner et renforcer ces initiatives par des actions locales et régionales. La création de coordinations dans l'émigration en Europe et en Amérique du Nord donne la mesure de l'aspiration de la collectivité nationale. On y trouve des militants politiques de toutes sensibilités, des personnalités et des animateurs du tissu associatif. Je me permets d'insister dans cette phase sur cette capacité à dégager des consensus qui sont, avec la mobilisation de la jeunesse, le meilleur gage de réussite si nous savons les préserver. Ces coordinations ont vocation à prolonger et à élargir la dynamique actuelle jusqu'à ce qu'une phase de transition associant l'ensemble des Algériens, nourris par le message de novembre et de la Soummam et respectant les principes de l'Etat de droit, soit mise en œuvre”, explique-t-il. Aux yeux du président du RCD, il y a lieu de préserver “la révolution de la jeunesse” du danger qui a toujours fait avorter les initiatives par leur absorption par les “rotations clientélistes”. “Je crois que la classe politique comme la société civile engagées dans la dynamique de changement sont averties de ce risque, et que chacun dit qu'il faut changer de système politique et non de gouvernement ni même de pouvoir. Cela est capital. C'est la première fois depuis l'indépendance que les conditions nationales, régionales et internationales sont réunies en même temps pour envisager un changement démocratique”, assure-t-il.