Le débat sur la “faiblesse” du dinar est de retour. C'est le cas chaque fois que l'euro grimpe. Les producteurs nationaux mettent en avant le renchérissement des biens d'équipement importés ou encore des matières premières nécessaires au fonctionnement de l'appareil productif. Le pouvoir d'achat des plus défavorisés serait également menacé par la hausse des prix des produits importés. Un dinar fort serait-il une solution miracle et un rempart pour l'économie nationale ? Au cours des dernières années, la politique dite de flottement dirigé du dinar mise en œuvre par la Banque d'Algérie a eu pour principale conséquence d'atténuer l'impact des fluctuations des devises sur le dinar. Elle a également eu pour effet notable une appréciation modeste mais continue du dinar par rapport au dollar américain. Elle n'a cependant pas permis d'éviter une forte dépréciation du dinar par rapport à l'euro. C'est cette dépréciation, de l'ordre de près de 40% depuis cinq ans, qui est à l'origine d'un débat sur la valeur du dinar et son éventuelle réévaluation. Avec des réserves de changes qui représentent près de quatre années d'importation et une prévision officielle d'inflation estimée dernièrement à un peu plus de 3% en rythme annuel, la “dévaluation rampante” du dinar par rapport à l'euro apparaît comme un paradoxe et un fardeau difficile à porter pour nombre d'acteurs économiques, notamment en raison de la part prépondérante des pays de l'Union européenne dans les importations algériennes. Des voix se sont élevées, notamment au sein des milieux patronaux, insistant sur le renchérissement des biens d'équipement importés ou encore des matières premières nécessaires au fonctionnement de l'appareil productif. Elles sont épaulées par nombre de personnalités ou de responsables économiques dénonçant d'importantes pertes du pouvoir d'achat au cours des dernières années. À l'étape actuelle, ces points de vue ont cependant peu de chances d'être entendus. La Banque d'Algérie préfère “le flottement dirigé” Dans ses différents rapports de conjoncture, la Banque d'Algérie ne s'émeut pas outre mesure de ce débat récurrent. Dans le dernier document disponible sur son site, elle note qu'elle “reste la principale source de devises offertes sur le marché interbancaire des changes où la détermination des cours, applicables aux opérations conclues suivant les règles et usages internationaux, relève des mécanismes de marché. Il s'agit d'un régime dit de flottement dirigé du taux de change du dinar vis-à-vis des principales devises, monnaies des plus importants partenaires commerciaux de l'Algérie. Sous l'angle opérationnel, la Banque d'Algérie intervient sur le marché interbancaire des changes pour veiller à ce que le mouvement du taux de change nominal n'affecte pas l'équilibre au long terme du taux de change effectif réel du dinar. À fin 2009, ce dernier est resté proche de l'équilibre, avec une dépréciation moyenne d'environ 2% contre une appréciation de 1,6% en moyenne annuelle en 2008”. Un cadre de la Banque d'Algérie traduit ceci pour nous en langage clair : “Le système appliqué depuis le milieu des années 1990 consiste tout d'abord à tenir compte des taux de change sur les marchés internationaux des monnaies de nos principaux partenaires commerciaux, c'est le taux de change effectif. On tient compte ensuite du différentiel d'inflation entre l'Algérie et ses partenaires commerciaux pour passer au taux de change effectif réel.” Des instruments de soutien plus ciblés Le choix de la réévaluation du dinar n'est pas non plus celui du gouvernement algérien qui a préféré, au cours des dernières années, recourir à des instruments d'action économiques plus ciblés. Un choix approuvé par un expert comme Ali Benouari, qui considère que “plutôt que l'amélioration du pouvoir d'achat par une appréciation du dinar qui entraîne des effets pervers, il vaut mieux subventionner la production locale et les couches sociales défavorisées”. Une option confirmée par la loi de finances 2011 qui a prévu une cagnotte destinée au soutien des prix de différents produits de plus de 400 milliards de DA (près de 6 milliards de dollars). Une cagnotte qui devrait gonfler encore à la fois en raison des dernières mesures liées à l'élargissement du dispositif de soutien des prix à de nouveaux produits et également à cause de l'envolée des prix des produits alimentaires de base sur les marchés internationaux. Décalage Plus largement, le questionnement sur la réévaluation du dinar qui a tendance à rebondir à chaque séquence de montée de l'euro sur les marchés des changes, illustre le décalage entre notre débat interne et les principaux enjeux monétaires internationaux. Pour un expert financier algérien : “La guerre des monnaies qui oppose aujourd'hui les Etats-Unis, accusés de provoquer la baisse du dollar aux principaux pays émergents, repose pour l'essentiel sur des politiques de dévaluation ou de sous-évaluation compétitives des monnaies qui visent à gagner des parts de marché à l'exportation.” Une préoccupation totalement absente du débat national qui reste circonscrit dans l'idéologie de la rente. Pour notre expert : “Le débat récurrent sur la réévaluation du dinar n'est, en réalité, qu'une ruse de l'idéologie rentière. Au cours des dernières années, à la suite de l'augmentation des prix pétroliers, nous consommions en moyenne environ les ???????? de la rente pétrolière. En 2010, par exemple, notre balance des paiements a enregistré près de 65 milliards de dollars de recettes et un peu plus de 50 milliards de dépenses. Le solde positif est transformé en réserves de changes qui ont dépassé 170 milliards de dollars à la fin de l'année dernière. Les partisans de la réévaluation du dinar voudraient en réalité, sans le dire, et quelquefois même sans s'en rendre compte eux-mêmes, consommer 100% de la rente pétrolière. C'est le résultat auquel aboutirait, par exemple, automatiquement, à la suite du gonflement des importations, une réévaluation d'environ 25% du dinar par rapport à l'euro.”