En ces jours de Saint-Valentin, fête d'amour et d'amants, une pluie de fatwas ne cesse de s'abattre sur nos écrans et dans nos boîtes mail. Des fatwas wahhabites qui appellent à l'interdiction de cette fête. Elles condamnent cette tradition de beauté en la qualifiant “d'hérésie” et de “blasphème”. Devant une telle averse acharnée à l'encontre de l'amour, des amants et des aimants, je me demande : n'est-il pas, au contraire, urgent et juste d'émettre des fatwas interdisant “la haine” et combattant l'extrémisme ? Comment peut-on imaginer une religion “tolérante” comme l'islam, dont ses foukahas et ses guides appellent à diaboliser les amants et les aimants. À combattre l'amour, la valeur humaine la plus noble. Y a-t-il du mal ou mauvais dans un geste civique qui offre une fleur, un parfum, un livre de poésie ou une lettre d'amour à une chère : épouse, mère, sœur, fille, amie ou amante? Le Prophète a dit : “Parmi les biens de votre monde, il m'a été donné d'aimer trois choses : -le parfum, -les femmes et -la fraîcheur de mes yeux - la prière.” Certes, ce temps qui court est pétri de la déception et de l''amertume, pour les peuples de ce monde arabe et maghrébin. Mais, malgré les immolations en direct et la colère bleue qui habitent les citoyens, malgré la rue qui grogne, il faut le rappeler : nous sommes aussi le peuple de l'amour et de la dignité. Nous sommes les héritiers de Si Mohand U M'hand, de Imru' al-Qaïs, de Benguitoun, de Majnoun Leïla, de Ben Msayeb et Nizar Kabani et d'autres. En somme, nous sommes le peuple d'aimants et d'amants. Ce peuple, et malgré tout ce qu'il a endossé d'épreuves pendant les années noires du colonialisme, pendant les années des indépendances nationales incomplètes, il n'a jamais désisté de la vie. Il n'a jamais boycotté l'amour. Nous sommes le peuple de Nedjma de Kateb Yacine, de l'artiste Baya, de la fiesta des soirées de El Hadj El Anka et de la rebelle diva cheikha Remiti. Certes, en ces jours qui courent, le rêve a reculé. L'espoir s'immole ! La rue façonne la sagesse, à sa manière, et fonde la nouvelle l'histoire des jeunes. Dans l'ébullition, la rue arabe et maghrébine enfante l'amour. Un nouvel amour. En cette fête de Saint-Valentin 2011, aimants et amantes s'offrent les fleurs sur les places publiques, là où ils manifestent. Ils se chantent les chansons d'amour dans les rues, là où les marches avancent. Ils se lisent de la belle poésie sur les trottoirs, là où les sit-in se dressent. En cette Saint-Valentin 2011, les femmes, toutes les femmes berbères et arabes adorent qu'on leur offre un nouveau parfum. Une marque griffée ! Un parfum dont la senteur ressemble à celle de lacrymogène ! Dans le baroud de la réussite, à la reconquête de la liberté, cette année, amants et amantes fêtent la Saint-Valentin dans les rues, sur les places publiques, dans les marchés, les rassemblements, les grèves. Cette Saint-Valentin 2011 est annonciateur de l'amour, mais de la révolution aussi. L'espoir qui a trop tardé est de retour. Le rêve qui s'est trop absenté chuchote dans l'oreille d'amantes et d'aimants. A. Z. [email protected]