Marche ou pas marche à Alger ? La médiatisation de la polémique et des affrontements que suscite cette question commençaient à en faire un point de fixation. La virtualité d'une telle manifestation s'est presque imposée comme décisive du destin politique national. On en oubliait l'Algérie et ce qui s'exprimait du pays profond. Pourtant, comme depuis des années, des clameurs s'élevaient de-ci de-là, pour traduire les difficultés quotidiennes du peuple. Mais rien ne semblait compter devant la réussite ou l'échec d'une marche dans la citadelle. Si Alger a repris son laborieux grouillement, ailleurs, et de toute part, le mouvement de revendication se répand. Les chômeurs, pour la première fois, se soulèvent, dans divers centres urbains, en force sociale à part entière. Mais les Algériens occupés ne sont pas en reste de cette vague de protestation : les grèves poussent dans divers secteurs et mettent en cause le fonctionnement courant du pays. Des secteurs sont partiellement ou totalement paralysés et d'autres menacent de l'être bientôt. à refuser de donner de réponse globale au marasme national, il va falloir réagir aux doléances catégorielles. Leurs manifestations sont apparemment de dimension locale et sectorielle, mais elles entretiennent un état de désordre social à géométrie variable et récurrente. Bien sûr, les communautarismes régionaliste, idéologique, de classes qui traversent et disloquent le tissu social rendront probablement impossible une expression nationale homogène et solidaire des revendications populaires. Mais le pouvoir gagnera-t-il à fonder sa “contre-attaque” sur la dissolution rentière de la société, les particularismes socioculturels et les antagonismes d'intérêt artificiellement entretenus et de vouloir survivre en organisant une vie nationale désaccordée ? Le système a déjà éprouvé la formule en suscitant la confrontation entre projet théocratique et projet démocratique pour ensuite se poser en “réconciliateur” entre les irrédentismes “passagers” des républicains et des islamistes. L'octroi sélectif de promotions sociales et de privilèges rentiers procède de la même démarche de fractionnement de la société, cette fois-ci sur une base économique et non sur une base doctrinale. C'est peut-être ce handicap structurel de la société qui fait dire aux tenants du statu quo que “l'Algérie n'est pas la Tunisie, ni l'égypte”. Ni aucun des autres pays qui vivent actuellement un état de bouleversement politique ? Or, c'est l'unité de tendance dans la diversité de situations qui devrait nous convaincre de cette évidence : malgré la différence d'états sociopolitiques, il se passe la même chose en Tunisie, en égypte, au Yémen, en Jordanie, à Bahrein, en Libye… Le génie serait non de nier l'ampleur de l'évolution mais de l'anticiper. Mais, par blocage “systémique”, nos dirigeants ont toujours cédé à la tentation d'étouffer les messages au lieu de les interpréter : pénaliser la harga, réprimer la manifestation ou interdire les grèves n'a pourtant pas suffi à éradiquer la revendication. Les mouvements sociaux ont leur propre logique de développement. Et parfois, c'est justement le pourrissement qui pousse à leur confluence et à leur politisation. M. H. [email protected]