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Contestations sociales, corruption et football en Algérie
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 12 - 10 - 2010

Trois phénomènes majeurs semblent marquer l'année 2010 : le premier a trait aux actions de protestation qui se sont déclarées ici et là. Les citoyens soulèvent la dégradation des conditions de vie, l'emploi, l'enclavement de certaines régions, la couverture sanitaire, les salaires… Bref, une mal vie.
Ces actions se manifestent souvent par des actes de violence, (saccage des édifices publics, obstruction de routes…). Le mécontentement s'exprime par l'émeute. Le deuxième est la médiatisation des affaires de corruption. Cette fois ci, il s'agit de frasques qui touchent les plus hautes sphères de l'Etat mais aussi de projets (autoroute Est-Ouest) et d'entreprises importantes (Sonatrach) qui structurent toute l'économie nationale. Le troisième phénomène est relatif à la prestation de l'équipe nationale de football.
Ici, après les liesses de la qualification, témoignage de l'attachement des Algériens à un pays qui gagne, la désillusion s'installe, la défaite de l'Algérie est portée par l'entraîneur national. Celui-ci assume et démissionne, ce qui n'est pas la règle en Algérie. Ces trois phénomènes ont été tour à tour largement débattus. Y ont pris part ; des sociologues, des politiciens, des juristes… ce qui n'a pas empêché l'observateur d'avoir une vision très large de chacun de ces phénomènes. Sur ce point, j'avoue mon incapacité à éclairer davantage le lecteur. Cependant, la question qui reste en suspend est celle de savoir si la conjonction de ces trois phénomènes a un sens. En d'autres termes, y a-t-il une explication à ces trois phénomènes pris ensembles ?
Beaucoup d'efforts ont été consentis pour prendre en charge la demande sociale des populations, particulièrement des couches à faible revenu et des personnes en difficultés.. Des milliers de logements poussent ici et là, des régions enclavées s'ouvrent au reste du pays, l'électricité et le gaz pénètrent les zones jusque là oubliées, écoles, universités, hôpitaux font que l'Algérie présente l'image d'un grand chantier en effervescence. Mais, le reste à faire n'est pas moins important. L'Algérie avec ses 140 milliards de dollars de réserves, ses capacités en ressources humaines (nombres de diplômés) et de fantastiques ressources naturelles, est un pays riche mais vulnérable. Il suffit d'observer certains indicateurs pour mesurer l'ampleur de sa fragilité.
Selon l'Executive Opinion Survey 2006 et l'Arab Competitiveness Report de 2007 qui notent les pays de 1 à 7 (1= courant, 7 = n'arrive jamais), la confiance du public face aux acteurs politiques est de 02,80 alors que le Qatar est de 05, L'indépendance du pouvoir judiciaire est de 3,70, le Qatar et la Tunisie devancent l'Algérie avec respectivement 5,60 et 5,10, le poids de la réglementation gouvernementale est de 3,00 alors que la Tunisie affiche 4,20... Enfin, pour le détournement des fonds publics, la position de l'Algérie est moins reluisante 3,20 contre 5,60 pour le Qatar et 5,20 pour la Tunisie, elle occupe la 92ème sur 182 pays selon Transparency International. Aussi, le rapport élaboré par The Economist Intelligence Unit sur l'index de la démocratie dans le monde a classé l'Algérie au 133eme rang sur un total de 167 pays.
Le Forum économique mondial basé à Genève qui organise entre autres les sommets de Davos, n'a pas fait de cadeau à l'Algérie. Dans son dernier rapport 2009-2010 sur la compétitivité globale des pays, il «case» notre pays à la peu enviable 99ème place sur un classement de 134 pays. Nos statistiques nationales affichent un taux d'inflation de 5% dont 17% pour les fruits et légumes. L'Algérie est un pays malade. Malade de ses hommes, dirions-nous. Cette vulnérabilité est, à l'origine, purement interne. Elle est le résultat de l'essoufflement du système mis en place au lendemain de l'indépendance (Chentouf, 2005). C'est toute la question du rapport de l'Etat à la société qui est sollicitée.
En Algérie, les équipes au pouvoir depuis l'indépendance (H. Rémaoun, 1977), essaient de maintenir la ligne frontiste qui durant la guerre de libération avait permis de façon autoritaire le groupement autour du FLN de catégories sociales diverses ainsi que des courants à la fois progressistes et conservateurs, modernistes et traditionalistes et des lettrés issus de l'école française ou de formation arabisée. L'élite politique qui émerge de ces courants, à la fois pluriels et opposés, n'a pas permis après l'indépendance la production d'une pensée nationale et donc n'a pas été en faveur de la construction de la nation. Cette incapacité à bâtir une nation a été comblée par le nationalisme comme idéologie politique.
Le nationalisme est une représentation idéologique de l'histoire qui a ses caractéristiques, historiques, sociales et culturelles. Si le nationalisme européen du XIXeme siècle s'est ressourcé de la philosophie des lumières, le nationalisme en Algérie a repris la fragmentation idéologique qui existait avant l'indépendance ; on y trouve un dosage entre l'arabisme, l'islamisme, la laïcité, le socialisme …d'où son incohérence et ses propres contradictions (L. Addi). L'élite intellectuelle est éliminée par l'instrumentalisation idéologique du capital symbolique (la religion, les symboles patriotiques, les valeurs révolutionnaires, etc.). Notre nationalisme est une idéologie collectiviste qui mythifie certains aspects d'une réalité sociale donnée, et qui vise à transformer la réalité pour qu'elle corresponde à ce mythe. Les élites politiques vont, selon les conjonctures, privilégier, telle ou telle parcelle idéologique (arabisme, socialisme…) pour l'imposer à toute la société. Toute opposition est considérée comme une opposition à la communauté nationale. Les voix discordantes seront traitées de réactionnaires, d'impérialistes… D'où l'interdiction des partis d'opposition et le refus de toute alternance politique.
Les événements d'octobre 1988 ont donné naissance à la compétition politique qui sera légalisée un an plus tard par une constitution autorisant la création de partis politiques, d'associations y compris syndicales et l'éclosion d'une presse privée dite indépendante. Le pouvoir nous dit A. El Kenz, se fait « démocratique » non par conviction, mais par contrainte. Les anciens acteurs de la contestation, se transforment en nouveaux acteurs de la vie politique nationale. Cette constitution bien que critiquée sur certains de ses aspects a au moins le mérite d'avoir donné la chance à tous les Algériens de s'exprimer et participer librement aux compétitions électorales. Mais la multiplicité des partis et des associations ne définit pas à elle seule le pluralisme, indispensable pour considérer qu'il s'agit d'un système démocratique.
Cette transition vers la démocratie n'a pas empêché une force politique latente depuis la fin des années 70 de dominer puis éliminer toutes les autres. L'islamisme agit à découvert, il dispose déjà de structures existantes et implantées sur tout le territoire national (les mosquées). L'islamisme a un impact sur les opinions publiques lorsqu'il dénonce au nom de l'islam qui recommande la justice et l'honnêteté, le chômage, la corruption, les inégalités sociales etc. Les prêches virulents contre l'Etat s'approprient le discours populiste du parti unique, Elles canalisent le mécontentement social en promettant l'idéal de l'Etat islamique. La violence qui a accompagné l'arrêt du processus électoral de décembre 1991 a plongé le pays dans une crise profonde. Une nouvelle constitution est votée en 1996, elle interdit les partis politiques dont l'idéologie repose sur une base religieuse, linguistique, raciale, de sexe, corporatiste ou régionale. Ainsi, le législateur semble avoir écarté de manière définitive le projet d'un Etat islamique. La nouvelle constitution sera une occasion pour le pouvoir en place d'affirmer sa domination sur la société sous prétexte qu'elle est incapable de gérer ses affaires et connaître ses intérêts. Le pluralisme politique est utilisé comme instrument de manœuvre pour empêcher toute alternance au pouvoir. Il n'y a aucune place pour les partis politiques qui s'opposent à lui. C'est un multipartisme sans alternance électorale. Les partis politiques au pouvoir servent surtout à relayer le discours du pouvoir et à recruter des clientèles pour les institutions de façade. La leçon est tirée : le peuple n'est qu'une foule avait dit un responsable d'un parti politique. Il (le peuple) n'est sollicité que pour les grands événements (élections…) à condition de ne pas choisir d'autres dirigeants que ceux en place depuis plusieurs décennies (Addi. L.). Les syndicats autonomes ne sont pas reconnus comme partenaires dans les négociations sociales. L'opposition n'a pas accès aux médias lourds. La presse écrite est sommée de ne pas franchir certaines limites au risque d'être harcelée par la justice. La diversité et les conflits qui traversent la société ne peuvent être représentés s'ils menacent l'ordre établi. L'individu est considéré comme un vassal régit par l'Etat a qui il droit prêter allégeance. Le système politique s'est interdit en laminant toute opposition interne la possibilité de savoir et donc de corriger ses faiblesses internes, il est devenu aveugle. Le pouvoir politique s'érige en clergé pratiquant l'inquisition au nom de l'Etat moderne. Et pendant que les dérives s'approfondissent et s'accumulent, pendant que les mouvements sociaux se font plus denses, plus intenses, le système se renferme derrière sa cuirasse répressive. Au lieu de renforcer les institutions par des règles au-dessus de tous et applicables a tous, la classe dirigeante fut incapable de sceller un nouveau contrat social dans lequel les problèmes de la société, et en particulier d'une jeunesse représentant plus de 70% de la population, seraient pris en charge.
Tout Etat s'organise sous forme de pyramide, il se décompose en plusieurs niveaux d'autorité. La médiation entre le citoyen et son Etat passe par plusieurs intermédiaires. Le gouvernement ne se rapporte pas directement à la population. Devant l'impossibilité de se rapporter immédiatement à la population, il est nécessaire d'introduire des structures intermédiaires entre les citoyens et le sommet de la pyramide. L'Etat est composé du pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, de la justice (pouvoir judiciaire) et de tout un appareil administratif et coercitif. La séparation des pouvoirs écrivait Montesquieu, permet d'éviter que l'erreur d'un individu, la défaillance d'une institution, n'entraîne la dislocation de toute la collectivité. L'administration comme structure de l'Etat coordonne la gestion quotidienne de la vie collective. Cette bureaucratie (administration) est indispensable à tout Etat. Ses membres sont sélectionnés sur la base de leurs compétences.
En organisant l'Etat, le régime démocratique écarte le principe de l'infaillibilité et de la toute puissance du gouvernement. Toutefois, le législatif et l'exécutif peuvent dans certaines situations, s'entendre sur des mesures allant à l'encontre des intérêts de la société. Dans ce cas, la démocratie moderne a prévu l'introduction, à côté des pouvoirs exécutif et législatif, le pouvoir judiciaire. Ce pouvoir est chargé de dire le droit en fonction de normes juridiques puisées dans la loi fondamentale (constitution). L'indépendance du pouvoir judiciaire est aujourd'hui unanimement considérée comme une condition du régime démocratique. Un Etat moderne n'est qu'un ensemble d'institutions basé sur la compétence et la neutralité et non l'expression d'un discours nationaliste. Là, sont les quelques principes élémentaires d'un Etat moderne. Qu'en est-il de la transition démocratique en Algérie ?
Les réformes engagées à la suite des événements d'octobre 88 suggèrent l'incapacité des élites politiques à libérer le présent de la domination autoritaire du passé. En d'autres termes, l'échec de la transition vers la démocratie n'est que l'échec vers une modernité qui se manifeste dans le comportement social, politique et civilisationnel permettant de diffuser la culture de la justice, de la liberté, de l'égalité et de la citoyenneté. Le pouvoir en place devient appareil d'assujettissement et de mainmise dans les mains de l'élite politique. Cet autoritarisme est un système de contrôle de la société qui fonctionne par l'exclusion politique de ceux qui ne font pas allégeance au pouvoir. Il met en œuvre des institutions sur lesquelles il garde un contrôle strict, dont il limite les prérogatives. Les institutions politiques créées, ont des fonctions politiques de cooptation et d'intégration au sein du régime. L'essentiel est, dans l'architecture du pouvoir, d'isoler le centre de toute possibilité de contestation et de le constituer comme un lieu fermé où on affiche « complet ». C'est la fermeture du champ politique, le retour à la case de départ. En dépit des séparations (fictives) des pouvoirs recommandées par la constitution, le pouvoir reste le lieu de toutes les outrances.
Le parlement va refléter la fermeture du champ politique. En mal de légitimité (plus de 60% d'abstention aux dernières législatives) l'assemblée nationale n'est pas un espace représentatif des conflits qui traversent la société. . L'absence de la légitimité populaire qui ressource la crédibilité du pouvoir législatif, subordonne la volonté populaire à l'Etat. L'Etat s'affranchit de la société et devient irréprochable. L'abstentionnisme ne coïncide pas avec un déclin de l'expression des mécontentements des citoyens (grèves, manifestations...). Ce qui ne veut pas dire qu'il y a démobilisation par rapport à la chose publique. L'abstention n'est pas un acte apolitique. Elle est une déception profonde, une absence de confiance en un Etat discrédité par son incapacité à satisfaire les demandes qui lui sont adressées. Elle est un contre-Etat hors institutions. Le véritable parti d'opposition est constitué de cette masse d'abstentionnistes. C'est « l'exit » comme disent les politologues. Là, le peuple n'est plus une foule qui ne sait pas faire foule comme disait Aimé Césaire. Une assemblée en déficit de légitimité ne peut être l'émanation du peuple et donc ne peut le représenter. Elle ne fait qu'approuver les décisions de l'exécutif qui ne rend pas compte de son activité. Celui-ci s'identifie volontairement à l'Etat. Il présente ses décisions comme émanant de la nation et toujours en conformité avec les impératifs de sa souveraineté, de sa sécurité et de ses intérêts. L'assemblée devient une institution au service du prince. Même si l'article 160 de la Constitution insiste sur le rôle du contrôle parlementaire et oblige le gouvernement à présenter un exposé détaillé des dépenses effectuées durant l'année et l'utilisation du budget, sa fonction de contrôle est entravée par sa composition ainsi que par les procédures mises en place pour limiter cette fonction.
Lorsque le budget de l'Etat est construit sur la base du prix de pétrole à 37 Dollars, les recettes de l'Etat au-delà de ce prix échappent au parlement. Si le baril de pétrole fait aujourd'hui 70 dollars on peut dire que la moitié des ressources de l'Etat (70 dollars – 37 dollars) ne transite pas le parlement. Dans ce cas, même si le parlement est représentatif il ne contrôle que la moitié du budget de l'Etat. Cette situation particulière ne semble pas déranger ceux qui ont pour devoir de veiller sur les ressources financières de l'Algérie. Encore, faut-il ajouter que les gouvernements qui se sont succédés depuis plusieurs années n'ont pas présenté de bilans des dépenses autorisées par la loi de finances devant les députés (loi du règlement budgétaire). Cette situation autorise l'arrogance de nos responsables. Ils n'ont pas de comptes à rendre. Leur action est divine et nul ne peut la contester. Pourtant nos ministres n'excellent pas par leurs compétences. Qui n'a pas vu le président de la république les sermonner devant la télévision nationale. Le lendemain, tout le monde s'attendait à des démissions en cascades. La suite reste sans suite, mais significative.
Les recettes confortables que procurent les hydrocarbures, permettent à l'Etat de se libérer de la société. La rente est un revenu exogène qui soutient le caractère autoritaire du pouvoir, par le fait qu'il dispose de moyens importants pour financer des institutions coercitives, ou, de manière générale, pour ne pas prendre leurs responsabilités vis-à-vis de la société en ne répondant pas à ses demandes de meilleure gouvernance (F. Talahite, 2005). Sur le plan politique, la rente a pour effets (Banque Mondiale, 2003), de réduire les réponses que l'Etat doit normalement fournir aux demandes des citoyens, en limitant la pression fiscale il limite la représentation. L'Etat ne se reproduit pas par l'impôt collecté auprès des personnes physiques et morales ce qui donne à penser au pouvoir politique que la société lui appartient, parce qu'il la nourrit. L'individu, n'est pas contribuable et donc il n'a pas à demander à l'Etat de rendre des comptes. C'est la société qui dépend de l'Etat et non l'inverse. Cette situation qui autonomise l'Etat donne lieu à toutes les outrances. L'Etat fonctionne comme une propriété privée dont l'usage ouvre la voie à toute forme d'enrichissement illicite. La généralisation de la corruption en est l'aspect le plus caractéristique.
Le pouvoir institutionnalisé est fondé sur le principe de la séparation entre la position de pouvoir et la personne titulaire du pouvoir. Chose publique et chose privée sont distinctes. Le rôle des institutions est de bien tracer la ligne de démarcation entre les intérêts privés et publics entre l'Etat et la société. En l'absence de ces institutions, l'Etat algérien repose sur la patrimonialisation, c'est-à-dire la confusion du public et du privé qui est une forme particulière de «recherche de rente». Il suffit d'occuper une place dans une institution publique pour prétendre à des prébendes. La corruption économique est une conséquence naturelle de la corruption politique c'est-à-dire, une articulation des relations de clientèle à la vie politique. Une relation de clientèle est une relation dans laquelle un individu de statut élevé (responsable hiérarchique, patron) utilise son influence et ses ressources pour fournir de la protection ou des avantages et une personne de statut inférieur (subalterne) appelé client qui offre en contrepartie un soutient ou des services personnels. C'est une relation de dépendance basée sur la réciprocité. Lorsque cette relation investit les domaines politique et administratif, on parlera alors de corruption.
En Algérie la corruption revêt deux formes : l'une structurelle où l'exploitation personnelle d'un poste et la disposition des fonds publics devient une pratique courante (comme de prélever des commissions sur les transactions ou marchés publics). Les scandales que la presse algérienne soulève relèvent de cette forme. L'autre socialisée, est le fait des citoyens qui se voient parfois obligés de recourir au paiement de pots-de-vin (bakchich) pour obtenir des services souvent légaux ou pour éviter de quelconques sanctions de la part de l'administration. Ici est là, cet enrichissement illicite n'est pas le résultat d'un travail et encore moins d'une compétence. Il suffit d'accéder à une parcelle de pouvoir dans une administration publique pour disposer d'une rente. Une simple signature peut signifier la fortune.
Cette fragilité de l'Etat signe la fragilité de ses institutions. Les individus ne se sentant pas protégés trouvent refuge dans la communauté. Les liens communautaires se substituent au lien social. Cet archaïsme fonctionne comme une solution refuge-collectif où les identités individuelles décomposées se dissolvent dans de plus grands ensembles. Ce qui compte ce n'est pas l'individualisme et sa rationalité c'est-à-dire le rêve de vouloir être la personne qu'on veut être, la construction de son propre destin, mais la recherche d'un abri dans un mythe que produit la communauté. Ici, il s'agit de l'équipe nationale, symbole d'un peuple qui a battu le colonialisme. L'équipe nationale est utilisée comme une ressource politique qui elle-même est ressourcée par des moyens financiers importants. L'important est de remporter des victoires, répéter un passé glorieux. Réitérer le passé devient un mythe mobilisateur des énergies individuelles La jeunesse algérienne s'accroche à ce mythe. Les liesses populaires qui déferlent après chaque victoire attirent toutes les catégories sociales. Riches et moins riches, chômeurs et harraga sont de la partie. Ils scandent l'Algérie victorieuse. Depuis la proclamation de l'indépendance, jamais l'Algérie n'a connu des foules aussi compactes. Mais, la réalité finit par rattraper le mythe. On se rend compte de la vulnérabilité de la politique sportive qui n'a pas été capable de former localement une élite sportive à l'image de celle de 1982. Les responsables en charge du secteur n'ont pas pu aligner 11 joueurs locaux sur un terrain de football. On importe des talents comme on importe le reste.
CONCLUSION
Il est clair que la démocratie ne se fait pas en un seul jour, des sophistes comme Aristote et Platon la revendiquaient avant notre ère. Le principe de l'égalité des citoyens (femmes et esclaves exclus) allait inventer l'Etat démocratique. En -594 Solon (poète, législateur et homme d'Etat grec), impose aux Athéniens la première constitution démocratique dans l'histoire de l'humanité. Athènes petite ville, forte de l'adhésion de ces citoyens résiste aux assauts des formidables troupes de l'Empire Perse (J. Attali, 2006). Rome, héritière des grecs devient Empire. L'imitation du système politique grec lui permet de porter ses valeurs en Europe du nord et aux Balkans. Toute la méditerranée est acquise à Rome. Plusieurs siècles plus tard, en 1689, les princes d'Angleterre accordent au parlement élu par la bourgeoisie, un droit de regard sur les affaires publiques. Elle vote les lois, garantit les libertés individuelles. L'acte de naissance de la première démocratie moderne dans le monde est signé. C'est l'émergence de l'Etat moderne tel que nous le connaissons aujourd'hui. L'Etat moderne est un ensemble d'institutions dirigées par des hommes mus comme tout le monde par leurs propres intérêts. Derrière les institutions se trouvent des acteurs politiques, des groupes qui vont chercher à accroître leur pouvoir. Pour limiter l'influence des penchants personnels dans le fonctionnement des institutions des contres pouvoirs sont nécessaires. Pour fonctionner de manière pacifique tout pouvoir a besoin d'un contre pouvoir. L'Etat démocratique ne peut prétendre à l'approbation de tous les citoyens, l'existence d'une minorité ou opposition reste une dimension constitutive de la démocratie. La démocratie ne peut être possible sans la «dénationalisation» de l'espace public où l'individu retrouve sa liberté politique.
* Université de Tlemcen
Références:
Voir les réflexions de L. Addi et A. El Kenz sur l'Algérie
Chentouf T., (2005) «Les Etats face à la mondialisation : Le cas de l'Algérie » Communication CODESRIA
Maffesoli, M. (2003) Notes sur la postmodernité. Le lieu fait lien, édition du Félin, Paris
Rémaoun H. (1977), « Ecole, histoire et enjeux institutionnels dans l'Algérie indépendante » in « Elites et questions identitaire », ouvrage collectif, Casbah Editions, Alger
Talahite F.(2005), Le concept de rente appliqué aux économies de la région MENA pertinence et dérives. In http://hal.archivesouvertes.fr/docs/00/15/69/24/PDF/wp2005_07.pdf


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