Pour que ces opérateurs économiques puissent exercer leur métier, ils doivent obtenir au préalable un agrément du ministère de l'Intérieur. Des milliers de sociétés spécialisées dans l'achat, la vente et l'installation des équipements de vidéosurveillance ont cessé leur activité depuis plus de 8 mois à cause de l'application du décret exécutif n°09-410 du 10 décembre 2009 fixant les règles de sécurité applicables aux activités portant sur les équipements sensibles. La vidéosurveillance, classée en effet, par ce texte dans la section C, est considérée comme un équipement sensible, donc soumise à certaines dispositions réglementaires. Pour que ces opérateurs économiques puissent exercer leur métier, ils doivent obtenir au préalable un agrément du ministère de l'Intérieur. L'article 5 de ce décret stipule que l'agrément des opérateurs est “tributaire de l'appréciation des autorités concernées sur les questions relatives à l'habilitation de l'opérateur et à ses capacités professionnelles ainsi qu'aux conditions de sécurité des locaux et des équipements”. Ces professionnels s'interrogent sur les motifs qui ont poussé les autorités à classer la caméra de surveillance comme équipement sensible alors que des caméras sont utilisées aisément dans d'autres appareils tels que le téléphone mobile, l'ordinateur portable (webcam) et les camescopes ! Ce que ces sociétés n'arrivent pas à admettre, néanmoins, et qu'après avoir déposé les dossiers complets à la direction concernée au ministère de l'Intérieur, elles n'ont jamais reçu de réponse et encore moins d'agrément. Pourtant, le décret oblige les autorités à répondre à cette demande dans un délai de 65 jours. “La demande d'agrément déposée, contre récépissé, auprès des services du ministère chargé de l'Intérieur, est traitée dans un délai n'excédant 65 jours”, indique l'article 10. Pis, la plupart des entreprises n'ont même pas eu droit à un récépissé de dépôt… 8 000 emplois menacés ! En dépit des enquêtes approfondies et les inspections effectuées par les services de sécurité aux ministères de l'Intérieur et de la Défense nationale auprès de ces opérateurs, conformément à l'article 9, ces derniers, faute d'agrément, n'exercent plus leur activité depuis juin 2010. Du coup, ce sont près de 8 000 employés qui risquent d'être au chômage. Outre l'impossible participation aux appels d'offres, ces professionnels qui jouissent d'une notoriété sur le marché depuis une dizaine voire une vingtaine d'années, subissent actuellement une pression de la part des services de sécurité, de la direction des impôts et celle du registre du commerce pour absence d'agrément. Le harcèlement dont sont victimes ces sociétés a commencé, selon plusieurs patrons rencontrés, suite à la mise en œuvre du projet d'installation de caméras de surveillance sur les autoroutes. Installation de caméras sur les autoroutes : enjeux d'un marché Ils estiment que les contraintes bureaucratiques auxquelles ils font face confirment les velléités de certains responsables concernés de les écarter de ce juteux marché. “Sinon, comment expliquer le fait que l'agrément est accordé en catimini à quelques entreprises qui se comptent sur les doigts d'une seule main ? Pis, celles-ci font encore leurs premiers pas dans ce créneau et n'ont aucune expérience !”, dénonce l'un d'eux. Tout en reconnaissant la nécessité de réguler et d'assainir le marché, ils déclarent que “la mise en application du décret exécutif rembrunit notre avenir. Si cette difficile situation persiste, nous risquerons de mettre la clé sous le paillasson et de licencier des milliers de travailleurs pour lesquels nous avons investi à travers des cycles de formation”, déplorent-ils. Ces opérateurs avouent avoir travaillé pendant les années de terrorisme et installé des équipements pour des édifices étatiques. “Nous avons servi l'état et contribué à sa sécurité dans les moments les plus difficiles”, soulignent-ils. Satisfaits de leurs prestations, les pouvoirs publics leur ont délivré même des attestations de bonne exécution. Mais en reconnaissance, on leur exige un agrément après qu'ils eurent travaillé pendant plus de 20 ans, pour certains. Il est à noter que cet agrément n'est exigé nulle part ailleurs. Aucun pays ne classe la caméra comme un équipement sensible. L'autre difficulté subie par ces dirigeants d'entreprise a trait au transport de ces appareils qui, selon le décret, nécessite une escorte… “Le transfert des équipements sensibles par les opérateurs, dans le cadre de l'exercice de leur activité, ne peut se faire que sous le régime de l'escorte effectuée par les sociétés dûment agréées à cet effet”, précise l'article 25. “Allons-nous programmer des équipes d'escorte et payer les frais pour le transport d'une ou deux caméras de surveillance ?”, se demandent, étonnés, les responsables de ces sociétés. Quant à l'acquisition sur le marché extérieur de ces équipements, elle est soumise à un visa établi au vu des autorisations prévues, selon le cas, par les ministères chargés des Technologies de l'information et de la communication ou des Transports ou celui de l'Intérieur. “Une telle situation ne fait que consolider le monopole d'un petit groupe d'opérateurs loin de toute règle de concurrence. Ce qui est contraire aux exigences de l'économie de marché”, affirment-ils. Face à cette épineuse problématique, les opérateurs souhaitent rencontrer le ministre de l'Intérieur pour tenter de trouver des solutions.