“Comment libérer le potentiel de l'entreprise privée pour relancer l'investissement, la production et la création de l'emploi”, tel est le thème, choisi et traité par le Think Tank, lors de sa première activité organisée sous forme de panel, à l'initiative du quotidien national Liberté au niveau de son siège sis à Oued Romane le 24 février 2011. Ce forum, qui a regroupé d'éminents universitaires, chercheurs et experts économistes ainsi que de nombreuses personnalités du monde de l'entreprise et des affaires, a passé au peigne fin l'ensemble des contraintes endogènes et exogènes qui entravent le développement de l'entreprise privée en Algérie. Après une brève allocution de bienvenue prononcée par Outoudert Abrous, directeur de la publication, les travaux ont débuté par les différentes interventions des contributeurs. De l'importance du poids du secteur privé dans l'économie nationale hors hydrocarbures Dans ce contexte, le professeur A. Bouzidi, dans une conférence intitulée : “Le secteur économique en Algérie : pour une nouvelle politique de l'entreprise privée”, a d'emblée planté le décor en mettant en exergue l'idée que la croissance économique doit reposer sur le secteur privé pour trois raisons : 1 - l'Etat s'orientera de plus en plus vers les dépenses sociales et se retirera de l'investissement dans la sphère économique ; il devient donc nécessaire et impératif de capter l'épargne privée en vue d'en faire le moteur de la croissance ; 2 - les recettes liées aux hydrocarbures sont appelées à diminuer à l'horizon 2025, d'où l'urgence d'accroître l'accumulation du capital privé ; 3 - les données quantitatives indiquent la prédominance du secteur privé dans l'économie nationale hors hydrocarbures — 80% de la production brute (hors hydrocarbures), 78% des services, 20% de la fiscalité, 63% de la population active —, il a déploré, cependant, la faiblesse du tissu des PME (10 PME/1 000 habitants, alors que les standards universels sont de 50 PME/1 000 habitants). Un large consensus autour de la nécessité de libérer l'initiative privée par l'émergence d'un environnement sociologique favorable et de la stabilité du cadre juridique. Pour sa part, le docteur Lamiri, membre du comité exécutif du panel, a estimé qu'en Algérie, aujourd'hui, il y a un consensus de plus en plus large autour des problèmes de l'entreprise privée, ce qui ne manquera pas de se traduire par un impact sur les politiques publiques. Il a, par ailleurs, souligné l'absence d'un “environnement sociologique” qui favorise l'épanouissement de l'entreprise privée. Comme il a regretté l'inexistence d'un observatoire d'études, d'analyse et de propositions — en concertation avec les opérateurs et partenaires socioéconomiques —, de démarches stratégiques relatives aux questions économiques susceptibles d'éclairer et ou d'infléchir les politiques publiques. De la nécessité d'améliorer le climat des affaires Le troisième intervenant, Belmihoub, professeur de l'enseignement supérieur, a présenté un exposé sur le climat des affaires en Algérie et la difficulté de mesurer objectivement ce facteur, en dehors des paramètres quantitatifs qui sont produits actuellement. Il a également affirmé qu'il n'existe pas, forcément, une corrélation directe entre la croissance et la bonne gouvernance. L'intervenant a recommandé la mise en place d'un observatoire du climat des affaires qui pourrait proposer aux pouvoirs publics des correctifs pour l'amélioration de ce climat. L'Etat ne dispose pas de flexibilité pour faire les affaires, cette mission relève du domaine du secteur privé Une contribution au débat de T. Hafsi, président du comité exécutif du Think Tank, a été présentée à l'assistance par S. Seghir, secrétaire général de ce cercle de réflexion. L'auteur de la contribution estime que le gouvernement ne dispose pas de la flexibilité nécessaire et suffisante pour faire les affaires ; cette mission doit être laissée au secteur privé. En revanche, énonce-t-il, l'Etat peut devenir un acteur dans la promotion des conditions de création des richesses. L'Etat dispose d'atouts pour favoriser l'émergence de champions industriels Le dernier exposé, portant sur les conditions d'émergence de “champions économiques” a été présenté par S. Seghir qui a considéré qu'en dépit de toutes les contraintes, l'Algérie dispose d'atouts supplémentaires pour l'émergence de champions industriels sous certaines conditions, telles que l'accès au foncier, l'accès aux crédits, la maîtrise de l'innovation technologique, l'amélioration du management, l'allégement des charges sociales et fiscales… À l'issue de la présentation des différentes thématiques, un large débat entre l'assistance et les conférenciers s'en est suivi. En voici quelques éléments d'observation parmi les plus saillants. Agir maintenant avant qu'il NE soit trop tard Pour Ahmed Benbitour, ancien chef de gouvernement, il y a urgence de sortir de la prédation et de la rente pétrolière qui représente 77% des recettes du pays, qui iront en s'amenuisant, pour atteindre le seuil critique à l'horizon 2020. L'épargne publique doit sortir de la prédation pour aider au développement du secteur privé. La gravité de la question se pose et il faut agir maintenant et avant l'épuisement de nos ressources en hydrocarbures. Il a déploré l'absence de vision stratégique des pouvoirs publics couplée à l'opacité du mode de gouvernance. À ce propos, il a mis en exergue la corrélation directe entre la croissance économique et le mode de gouvernance. Stabiliser le cadre juridique Pour Mme Benmiloud, avocate et chef d'entreprise, il s'agit de prémunir l'entreprise privée de l'instabilité du cadre juridique qui la rend vulnérable, dans un climat des affaires déjà hostile et très volatile. L'absence de solidarité entre les entreprises privées M. Slim Othmani, chef d'entreprise, considère qu'il y a absence d'audibilité du patronat par manque de solidarité entre les patrons qui parlent de façon dissonante. Il estime que les chefs d'entreprises privées doivent adhérer au code de bonne gouvernance. Selon ce dernier, le mal que vit l'entreprise privée émane d'abord du manque de coordination et d'homogénéité dans l'action de ses dirigeants. Aller vers une démarche industrielle mixte et développement de la sous-traitance Bensacsi, président du conseil consultatif des PME, tout en regrettant l'injustice subie par l'entreprise privée du fait des pertes de change que les pouvoirs publics n'ont pas réparée, a plaidé en faveur du développement de la sous-traitance à l'instar de la Tunisie et du Maroc qui ont su promouvoir ce secteur en partenariat avec les grands groupes industriels. Quel sera l'impact des dernières mesures prises par le Conseil des ministres sur l'entreprise privée et son environnement ?