Réputée pour ses délicieuses brochettes, la ville de Berrahal, carrefour entre Constantine, Skikda et Annaba, située à 30 kilomètres à l'ouest du chef-lieu de wilaya, est devenue un grand centre urbain autour duquel gravitent quelque 924 exploitations agricoles, qui font toujours sa fierté. Autrefois appelée Souk El-Had (marché du dimanche), où est née l'une des premières figures de la résistance contre l'occupation française, durant les années 1830, en l'occurrence cheikh Zeghdoud, puis Aïn Mokra (Aïn Omerkha, pour les habitants de la localité), sous l'occupation française, et Berrahal à l'indépendance, cette ville a connu depuis une véritable métamorphose dans tous les domaines. Elle s'est érigée, ainsi, en ville satellite de la métropole Annaba. Par sa situation géostratégique et l'attrait qu'elle a suscité au début des années 2000, cette ville chef-lieu de daïra s'est peuplée de manière exponentielle et a fait, en l'absence d'une urbanisation planifiée, l'objet d'un trafic gigantesque du foncier. Comble de l'ironie, cette commune qui se targue d'être la seule de la région à s'être débarrassée des bidonvilles n'aura pas échappé au phénomène tout aussi embarrassant de la construction illicite. Un phénomène qui s'expliquerait, aux dires des membres de l'APC que nous avons rencontrés, par l'absence de gestionnaires à la tête de l'agence foncière intercommunale durant plus d'une décennie qui a favorisé le désordre ambiant. Une situation qui s'est prolongée favorisant bien des dépassements à travers l'ensemble de la daïra et qu'il sera très dur de redresser au vu des abus constatés, reconnaît l'un d'entre eux. Plaie ouverte depuis des années, la construction illicite a, en effet, atteint des proportions alarmantes, aujourd'hui, dans certaines communes dépendant de Berrahal. Certains parlent d'une véritable “ruée” sur les poches constructibles avec ou sans l'aval des responsables locaux. “Le nombre des constructions illicites érigées, et notamment au niveau de la cité Sidi-Ali sur les hauteurs de Berrahal, à la cité Kalitoussa ou au quartier de Tacha, en maintenant onze années, dépasse et de loin celui réalisé depuis l'indépendance, soit depuis plus de 45 ans”, estiment des riverains. Pour juger de la gravité de la question, une simple virée du côté de Sidi-Ali est édifiante. Le visiteur ne peut qu'être impressionné par le nombre de bâtisses réalisées avec piliers et dalles en béton, mais n'ayant pas le moindre document autorisant leur construction. Le lieu choisi pour ce type d'habitat est généralement situé loin des regards indiscrets (entre la forêt séparant Berrahal et Oued El-Aneb). Autrement dit, des terrains propices à l'implantation de constructions sans être dérangé. Même aujourd'hui, le trafic du foncier attire les gens tels des charognards autour d'une proie. Une situation où les “kachara” (courtiers informels), les entrepreneurs en bâtiment et surtout les “clients” qui débarquent des différentes wilayas limitrophes, notamment de Skikda et de Souk-Ahras, y trouvent leur compte. TRAFIC FONCIER Mieux encore, un véritable réseau spécialisé dans la construction de baraques s'est constitué à Berrahal et propose à qui en veut des “lots” à des prix oscillant entre 15 et 30 millions de centimes, en fonction du relief du terrain et de leur position par rapport aux localités avoisinantes. Les habitants affirment qu'aucun lot n'a été attribué officiellement dans cette zone depuis l'année 1995, mais cela n'a pas empêché quelques personnes aux “reins solides” de se faire régulariser. Principale raison de la venue dans cette ville à vocation agricole, sa zone industrielle où la sidérurgie plus que toute autre activité a pris forme à la faveur de la mise en place d'un laminoir à fil et rond, la liant ainsi à El-Hadjar, fief de la métallurgie algérienne. Ciblée, en 2009, par une opération de réhabilitation pour un montant de 20 milliards de centimes, cette zone a fait l'objet d'une extension de quelque 11 hectares, pour l'implantation d'une trentaine d'autres unités économiques, ce qui pouvait contribuer à la résorption du chômage dans la région. Force est de constater malheureusement sur le terrain que ladite zone industrielle de Berrahal n'a pas répondu aux attentes de ses concepteurs, les unités de production annoncées en grande pompe à l'époque par des promoteurs venus des coins les plus reculés du pays n'ayant pas vu le jour. Celles qui ont été créées se sont transformées, au fil des ans, en vulgaires points de distribution de matériaux de construction, si elles n'ont pas été fermées par leurs propriétaires faute d'avoir pu faire face aux échéances de remboursement des crédits qu'ils ont pour la plupart contractés auprès de banques étatiques. Les véritables usines à tourner actuellement se comptent sur les doigts d'une main, et nul ne peut jurer de la venue de nouveaux investisseurs pourvoyeurs d'emplois dans cette commune aux potentialités immenses. “Dotée d'atouts indéniables, la ville de Berrahal peut jouer facilement son rôle de nouveau pôle d'attraction avec le Grand Annaba, qui regroupe El-Hadjar, Sidi-Amar, El-Bouni et Annaba”, estime le sénateur Dib Noureddine, originaire de la région et farouche défenseur de la localité. “En comparaison avec les autres communes que compte la wilaya, les perspectives de développement dans les domaines de l'industrie de transformation et de l'agriculture existent bel et bien à Berrahal, et il est du devoir de chacun d'en tirer le maximum de profits pour la communauté”, considère-t-il. Et d'ajouter que lesdits programmes ont concerné, à la faveur du dernier programme RHP, par exemple, une superficie totale de 18 019 hectares regroupant une population de plus de 20 000 habitants au total repartis entre 4 agglomérations. Tout aussi convaincu de l'essor indéniable que peut prendre cette commune, le président de l'APC de Berrahal parle, quant à lui, de ces milliers de logements qui ont été livrés durant les dernières décennies et surtout du projet de gare intermodale qui prolongera la station Sntf à celles des bus et des taxis, toutes trois en cours de réalisation. Avec un geste de dépit, le P/APC se dit désolé que le projet de mise en valeur du lac Fezzara, cette dépression naturelle, qui fait partie du territoire de sa commune, n'ait pas abouti. Inauguré en 1999 par le chef de l'Etat, le projet de mise en valeur des terres du lac de Fezzara devait, pour un coût de 333 437 000 DA, favoriser le développement de 4 370 ha sur les communes rurales de Berrahal, El-Eulma et Chorfa, dans la wilaya d'Annaba, rappelons-le. Ce périmètre qui aurait pu permettre le développement, entre autres, d'une zone de pâturage pour un cheptel évalué à 3 000 têtes d'ovins appartenant aux riverains et aux transhumants, s'est heurté à de multiples contraintes d'ordre majeur, notamment celle liée à une stagnation d'eau prolongée au niveau des zones de bas-fond et est actuellement à l'abandon.