La secrétaire d'Etat américaine est à Tunis aujourd'hui à Tunis après un séjour de 48 heures au Caire. Pas de liesses dans les deux capitales où les populations restent extrêmement vigilantes quant à la tournure qu'elles veulent donner à leur pays, y compris dans le domaine de la politique étrangère. Au Caire, Hillary Clinton a dû certainement mesurer que l'Egypte de Moubarak est derrière et que l'armée alliée traditionnelle des Etats-Unis n'avait plus les mains entièrement libres comme autrefois et qu'elle doit composer avec l'opinion égyptienne. Pure coïncidence ou pas, l'arrivée de Mme Clinton au Caire a été précédée par la dissolution des Moukhabarate sous la pression de la rue. En Tunisie, la méfiance à l'égard des Etats-Unis est plus explicite : des manifestations s'y sont déroulées la veille de l'arrivée de la chef de la diplomatie américaine dénonçant sa visite. “Clinton dégage”, “non à la présence américaine en Tunisie”, scandaient les manifestants près du ministère de l'Intérieur en brandissant des banderoles anti-américaines. Avant son périple dans ces deux premiers pays arabes débarrassés de leur dictature en janvier et février, Mme Clinton a pourtant pris soin de souligner que pour Washington, c'est un enjeu énorme de faire en sorte que ces deux pays soient “les modèles du type de démocratie que nous souhaitons voir”. Ce qui n'a pas pour autant apaiser les deux peuples qui ont subi respectivement 24 et 32 années de dictatures et d'humiliations sur la scène internationale, de la part de Ben Ali et Moubarak fortement soutenus par Washington. Craignant que l'impatience ne ruine les avancées réalisées depuis le départ du président Hosni Moubarak le mois dernier, ou que des extrémistes ne s'emparent du pouvoir, Mme Clinton a demandé au peuple égyptien de saisir cette occasion de faire de leur pays un modèle de démocratie pour le monde arabe. Mais, à la place Tahrir, l'épicentre et le symbole de la révolution égyptienne, elle a mesuré que son pays est bien loin de convaincre les peuples arabes, d'une manière générale, sur la nouvelle politique américaine. Elle y a rencontré des représentants de la société civile, la vraie, celle qui ne se berce ni d'illusions ni de promesses, mais qui sait ce qu'elle veut. Quant aux islamistes, que personne aujourd'hui en Egypte ne considère comme un danger imminent, la responsable américaine a préféré recevoir un membre des Frères musulmans à l'ambassade des Etats-Unis au Caire ! La secrétaire d'Etat a profité de sa première visite dans ce qu'elle a appelé la “nouvelle Egypte” pour dévoiler un programme d'aide économique visant à créer de nouveaux emplois, particulièrement pour la jeunesse égyptienne, et encourager les investissements étrangers. En plus d'un montant de 150 millions de dollars déjà annoncé pour la transition et le secteur financier, le programme fournira 10 milliards de dollars en crédit et en prêts au secteur privé et assurera l'agrandissement des installations égyptiennes pouvant expédier des marchandises exemptes de droits aux Etats-Unis. Mercredi, elle devait rencontrer le chef du conseil suprême des forces armées égyptiennes, le maréchal Hussein Tantawi, ainsi que le Premier ministre par intérim, Essam Sharaf, avant de s'envoler ensuite pour la Tunisie afin de discuter avec les responsables du gouvernement de transition. Dans les deux capitales, la secrétaire d'Etat s'est exprimée sur la situation en Libye voisine, où les éléments et mercenaires fidèles à Mouammar Kadhafi enchaînent des victoires depuis une semaine. A-t-elle convaincu ses interlocuteurs sur la frilosité de son gouvernement quant à la volonté mainte fois affiché par Obama de voir le tyran de Tripoli se retirer ? La question reste sans réponse, d'autant qu'à Paris, Hillary Clinton n'avait pas levé le petit doigt pour appuyer la proposition franco-britannique devant le G8 soit d'installer rapidement une no-zone fly, soit d'organiser des frappes aériennes contre les bases militaires de Kadhafi. Le Caire comme Tunis sont inquiets au plus haut point de la situation en Libye, un vaste territoire en sandwich entre la Tunisie et l'Egypte, où Kadhafi tentent de reconquérir par les armes les territoires contrôlés par ses opposants promis à l'échafaud.