Hormis Hugo Chavez, personne n'est venu au secours de Kadhafi, soumis aux frappes aériennes. Il a mis d'accord plus de 180 pays contre son régime. Ça n'a rien de facile, mais le monde entier a condamné le dictateur libyen qui massacre des civils avec des armes de guerre. Le monde entier l'avait condamné jeudi soir au Conseil de sécurité de l'Onu. Et même parmi les cinq membres du Conseil qui se sont abstenus à la résolution le menaçant d'intervention militaire, il y a eu une défection, celle de l'Allemagne dont la chancelière a assisté au sommet sur la Libye organisé par le président français pour donner le coup d'envoi des frappes aériennes contre Kadhafi. Les intérêts à courte vue de l'Allemagne, la Russie, la Chine, le Brésil et l'Inde ne vont pas résister à la machine de guerre en marche contre le Libye de Kadhafi. D'ailleurs, derrière l'abstention de ces cinq pays, il fallait plus voir la défense de leur propre politique qu'un soutien au tyran de Tripoli. La Chine, au nom de la souveraineté et de l'intégrité territoriale, cache en fait sa crainte d'une contagion du printemps arabe, avant de se préposer dans la course aux matières premières et aux marchés, notamment en Afrique. Elle ne tardera pas à mesurer l'effet boomerang et de sa posture et des révolutions arabes sur le continent noir. La Russie a le mérite d'être plus clair, au nom de la géopolitique. Outre les intérêts militaires (vente d'armes), Moscou craint une extension intelligente celle-là des Occidentaux dans les opinions arabes, mais aussi la possibilité d'une contagion des révoltes arabes chez elle, dans son carré asiatique déjà très remuant. Poutine qui pense revenir au Kremlin en 2012 a évoqué un complot contre la Russie ! L'Allemagne, sa neutralité au nom de l'opinion publique a volé en éclats le lendemain du vote du Conseil de sécurité. La chancelière Merkel a cependant rebondi en participant au sommet de la coalition anti-Kadhafi organisé samedi par Nicolas Sarkozy, approuvant les frappes contre Kadhafi. L'Inde, ancien champion du non-alignement, dit s'être abstenu au nom de l'anti-néocolonialisme, et puis, comme pour la Russie, l'Inde a évoqué aussi le risque terroriste islamiste, d'autant que chez son voisin pakistanais, rien ne va plus. Reste que Kadhafi avait offert à l'Inde comme aux autres pays émergents la place des Occidentaux qu'il menaçait d'exclure des marchés libyens. Le Brésil, autre pays émergent, lui, a évoqué le caractère spontané des révolutions, pour préconiser de laisser les peuples arabes conduire leur destinée, arguant du risque d'exacerber les tensions sur le terrain. C'est tiré par les cheveux puisqu'il n'est pas pris en compte la sécurité des populations civiles menacées par leur dictature. Le Brésil s'en défend en se disant inquiet du danger de voir une intervention occidentale, et notamment américaine changer le sens des mouvements révolutionnaires arabes et donner ainsi des arguments aux dictateurs. Reste que ces cinq ne lèveront pas le petit doigt pour sauver le régime de Kadhafi, même les Russes qui l'approvisionnent en armements (missiles, tanks et avions). Quant aux autres pays “amis” de Kadhafi, ils ne pèsent pas grand-chose dans la balance. Fidel Castro, toujours en éveil à Cuba, poursuit ses combats d'arrière-garde en affirmant que c'est la faute de l'Otan, et non celle de Kadhafi, si la Libye est en proie à une telle violence. Raoul Castro, son frère et le pouvoir réel à Cuba, a observé le silence. En Amérique latine, il est à se demander aujourd'hui si le Vénézuélien Hugo Chavez et le Nicaraguayen Daniel Ortega sont toujours disposés à accueillir le tyran de Tripoli ? Ce sont les seuls dans le sous-continent à apporter leur soutien à leur pair libyen. Chavez qui a offert l'occasion à son opposition de se regonfler n'a pu que déplorer les frappes contre son ami de Tripoli. Sans plus. C'est que même la Ligue arabe avait non seulement retiré son soutien à Kadhafi, mais est aussi partie prenante des actions militaires engagées contre lui. Sur ses 22 membres, seuls Bouteflika et El-Assad avaient voté contre la résolution de la Ligue arabe qui a constitué le fondement de l'implication de la communauté internationale contre l'inqualifiable répression de Kadhafi. L'histoire ne leur a pas donné raison. Cependant, l'Algérie a fini par tirer son épingle du jeu en prenant acte de la résolution 1973 du Conseil de sécurité, réaffirmant, à cet égard, qu'“il revient au peuple libyen de décider par la voie du dialogue national de son devenir et se tenant, dans ces moments difficiles, aux côtés du peuple libyen frère et continuera à lui témoigner sa solidarité”. Même Mahmoud Ahmadinejad, l'autre “fou” de Téhéran, a trouvé que Kadhafi en a fait trop. “Il est difficile d'imaginer qu'il existe des gens sur terre qui puissent tuer et bombarder leur propre peuple, c'est abominable, les dirigeants libyens doivent tenir compte de leur concitoyens” ! C'est ce qu'a déclaré avec indignation le leader iranien et, pourtant, lui aussi traîne des casseroles. N'est-il pas spécialiste dans la répression sauvage des opposants iraniens ? Il a pour lui d'assumer son hypocrisie sur la scène internationale. Leçon : les dictateurs, une fois sur la pente de leur perte, plus d'amis et de soutiens à côté d'eux, même pas pour leur tenir le moral. La descente aux enfers, Ben Ali et Moubarak l'ont faite seuls…