Le plan de répression farouche promis mardi soir par Kadhafi semble avoir été entamé hier en fin de journée avec le «lancement» de ses miliciens qui ont déferlé à Tripoli, utilisant des armes de guerre et maintenant la population dans un état de siège très dangereux. Le discours enflammé mardi soir du guide suprême Mouammar Kadhafi n'a nullement calmer les esprits des manifestants et encore moins celui de la communauté internationale qui a condamné le recours à la violence lors des manifestations exigeant depuis une semaine son départ. Non satisfait de la répression dans le sang des populations désarmées, il a par contre promis d'autres atrocités en affirmant qu'il n'avait pas «encore eu recours à la force». Kadhafi, présenté comme un tyran et un mégalomane, semble déterminé à aller jusqu'au bout de sa logique, celle de «mourir en martyr sur son sol et celui de ses ancêtres». Après avoir utilisé des armes de guerre, des avions ainsi que des mercenaires africains pour mater violemment les manifestants, le dictateur pourrait recourir à d'autres moyens de destruction massive contre le peuple. La région Est du pays échappe au pouvoir Les premières images, montrées mardi soir par des télévisions qui ont pu franchir les frontières à l'Est du pays, témoignent de l'ampleur des dégâts humains et matériels. Des morts enterrés en série, des bâtiments brûlés portant des impacts de balles, des dépouilles mortelles dans des hôpitaux et salles de soins, des attaques des mercenaires dans des quartiers, sont autant de témoignages poignants de la farouche répression du clan du guide suprême. Néanmoins, l'entrée des journalistes par la frontière Est du pays démontre surtout et confirme que celle-ci n'est plus sous contrôle de l'armée libyenne mais sous celui des manifestants anti-pouvoir. Cette situation a été également évoquée par le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattin, qui a affirmé que la province libyenne de Cyrénaïque (côte est) «n'est plus sous le contrôle du gouvernement libyen, et des affrontements et violences sont en cours dans tout le pays». Des journalistes des agences de presse constatent que des insurgés, souvent armés, sont disposés tout le long de l'autoroute qui longe la côte méditerranéenne depuis la frontière égyptienne jusqu'à Tobrouk. Des habitants de la région leur ont indiqué que le mouvement anti-Kadhafi contrôle l'est du pays, c'est-à-dire la région qui s'étend de la frontière égyptienne jusqu'à Ajdabiya, en passant par Tobrouk et Benghazi. Le pouvoir en place qui compte y demeurer pour longtemps en s'appuyant sur des mensonges reliés par sa télévision n'a fait qu'agrandir le rang des opposants et augmenter le nombre de défections au niveau de l'armée et des politiques. Défections au sein de l'armée Ainsi, après les pilotes des avions militaires qui ont «déserté» les ordres de tirer sur les foules tout comme les commandants de navires qui ont pris d'autres destinations que Benghazi qu'ils devaient «bombarder», selon des chaînes de télévision, le ministre de l'Intérieur, Abdel Fatah Younès, s'est rallié mardi «à la révolution», après celui de la Justice qui avait démissionné «pour protester contre l'usage excessif de la force». Sur ce plan, plusieurs diplomates libyens en poste à l'étranger, rejoints hier par l'ambassadeur d'Indonésie, ont annoncé démissionner ou être des représentants du peuple et non pas du pouvoir. C'est là un signe plus qu'évident sur les divisions au plus haut niveau du pouvoir dont l'appel du guide n'a reçu l'adhésion que de quelques dizaines de manifestants venus se rassembler hier matin sur la place verte sous une pluie battante. Dans le pays où le huis clos a été de mise depuis plus d'une semaine, il est difficile d'établir un bilan sur les massacres. Alors que le pouvoir fait état de 300 morts, les organisations humanitaires évoquent des chiffres beaucoup plus élevés. Des témoins parlent de plus de 2000 morts et de milliers de blessés. Carnages, guerre et autres bains de sang ont été les qualificatifs utilisés par les observateurs pour parler de la répression en Libye. Devant la gravité de la situation, de nombreux pays ont dépêché des avions pour rapatrier leurs ressortissants en Libye. Des milliers de tunisiens et d'égyptiens traversaient, ces deux derniers jours, les frontières terrestres libyennes pour rejoindre leur pays. La communauté internationale condamne et menace La communauté internationale commence également à se manifester d'une manière plus ferme à l'égard du dictateur. Le Pérou a été le premier à annoncer la suspension de «toute relation diplomatique avec la Libye tant que ne cessera pas la violence contre le peuple» libyen. Les 15 membres du conseil de sécurité des Nations unies ont condamné le recours à la violence et ont demandé que les responsables d'attaques contre des civils répondent de leurs actes. Ils ont demandé «la fin immédiate des violences et des mesures pour prendre en compte les demandes légitimes de la population.» Ils ont exhorté les autorités libyennes à agir avec retenue, à respecter les droits de l'homme et à permettre aux organisations de défense des droits de l'homme de pénétrer dans le pays. La veille, Hillay Clinton avait dénoncé «un bain de sang» et «une boucherie en cours». A l'aéroport, les gens qui ne disposent pas d'un billet d'avion ne peuvent pas entrer dans le terminal. L'Union européenne pousse en faveur de l'ouverture d'une enquête indépendante dirigée par l'ONU. Ses membres ont préparé un projet de résolution avant la tenue d'une «session extraordinaire» sur la Libye du Conseil des droits de l'homme des Nations unies vendredi à Genève. Il s'agira de la première session extraordinaire concernant un Etat membre du Conseil. Nicolas Sarkozy a demandé mercredi «l'adoption rapide de sanctions concrètes» de la part de l'Union européenne (UE) contre les responsables de la répression en Libye et souhaité la suspension des relations économiques et financières avec ce pays «jusqu'à nouvel ordre». Pour sa part, la France proposera à ses partenaires européens l'adoption rapide de sanctions à l'encontre des responsables des violences contre la population civile libyenne. Le président français a prôné également une surveillance des mouvements financiers.