La grogne était au rendez-vous, hier matin lors de la conférence-débat organisée par le centre Amel El-Ouma, à la salle des conférences du quotidien Echaâb, à El-Mouradia (Alger). Certes, rien à voir avec les manifestations de ces dernières semaines. Il n'y avait pas de banderoles ou de revendications ni de forces antiémeutes, mais des universitaires en colère et très critiques envers la situation qui prédomine en Algérie. Saisissant l'occasion qui leur a été donnée, deux conférenciers, Ahmed Adimi, docteur en sciences de l'information et de la communication et colonel de l'ANP à la retraite, et Bachir Messaitfa, expert en économie, ainsi que d'autres universitaires présents dans la salle, n'ont pas pris de gants dans leurs interventions. Il est vrai que le thème de la rencontre, “le changement souhaité en Algérie et ses priorités”, s'y prêtait bien. Ne cachant pas sa colère, le Dr Ahmed Adimi a lancé plusieurs flèches contre le “pouvoir” sans nommer personne. “Mes enfants me reprochent d'avoir laissé des illettrés gouverner le pays”, dit-il après avoir rappelé le cas de sa génération “née juste après le début de la Révolution de 1954”, qui est, selon lui, une autre “victime” du système. “Quand nous avons eu 40 ans, on nous disait qu'on était encore jeune pour porter le flambeau et maintenant ils nous demandent de partir en retraite sans nous avoir donné notre chance”. Le changement, selon le Dr Ahmed Adimi, “n'est plus un choix, mais une nécessité absolue” et c'est plus une question de changement d'hommes que de lois “qui existent et qui ne demandent qu'à être appliquées”. Voulant donner un exemple de l'exclusion dont sont victimes les universitaires et les intellectuels algériens, il reviendra sur une expérience personnelle. “Avec des collègues, nous avons voulu créer une association dans la recherche scientifique et on attend depuis trois ans un éventuel agrément qu'on ne veut pas nous donner”. Visiblement scandalisé par cette situation, il ajoutera, toujours sur un ton coléreux, “ils nous ont dit qu'ils n'arrivaient pas à nous mettre dans une catégorie précise, alors je leur ai répondu : mettez-nous dans l'opposition et c'est tout !” Une aventure que l'autre conférencier, Bachir Messaitfa, a lui aussi vécu. “De mon côté, c'est depuis six ans que j'attends l'agrément d'une association dans le secteur économique et évidemment on n'a rien reçu !” Toujours dans le même registre, un des participants dans la salle, se présentant comme l'administrateur du site (www.assala-dz.net) du centre d'études Assala, a posé la question au modérateur de la rencontre, Smaïl Hariti, qui est également directeur du centre Amel El-Ouma : “Je voudrais savoir comment vous avez fait pour créer votre centre parce que, de notre côté, nous n'avons rien pu faire et nous avons été obligés, pour ne pas avoir de problèmes, d'activer sous le statut de projet culturel !” Evidemment, la rencontre d'hier n'a pas été uniquement le “mur des lamentations” des universitaires présents. Les deux conférenciers avaient beaucoup de propositions à faire, préconisant d'“appliquer le changement et non le subir”. Parmi ces propositions, celle faite par le Dr Ahmed Adimi concernant le champ médiatique. “La sécurité nationale est en danger tant que l'opinion nationale dépend des chaînes étrangères (…) L'ouverture du champ audiovisuel est une question de sécurité nationale”.