En déclarant publiquement que certains amendements au projet de révision du code communal, proposés par les députés, ne seront pas acceptés par le gouvernement, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales remet en cause le principe de l'indépendance des institutions, particulièrement le Parlement. “Les amendements (au projet de révision du code communal, ndlr) qui touchent à l'équilibre du pouvoir entre l'Etat et la collectivité ne seront pas acceptés”, a déclaré Daho Ould Kablia, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, en marge des travaux de la Conférence nationale sur le Schéma national d'aménagement du territoire. Il a affirmé que son département attendrait que la commission des affaires juridiques, administratives et des libertés de l'APN achève la phase de l'audition des députés, auteurs d'amendements et établisse une synthèse de l'opération, avant d'agir. “Nous allons voir, avec elle, ce qui doit être accepté et ce qui ne le sera pas.” Loin d'être banales, les déclarations du ministre de l'Intérieur s'apparentent à une interférence directe dans les prérogatives des parlementaires. Ce qui constitue une entorse aux lois et règlements régissant les relations entre le gouvernement et le Parlement. Dans l'absolu, l'Exécutif n'a plus aucun droit de regard sur les projets de lois déposés à l'APN. À ce niveau de la procédure de validation d'une lois, il revient aux députés de l'adopter telle qu'elle a été ramenée par le gouvernement, de voter pour les amendements proposés par la commission parlementaire compétente ou en faveur des amendements de leurs pairs. À aucun moment, un ministre ne peut intervenir pour accepter ou refuser un amendement introduit par un élu national sans empiéter, en toute illégalité, sur ses prérogatives. Daho Ould Kablia a donc manqué de subtilités en disant publiquement que son ministère pèsera de tout son poids pour entraver la mission des députés, laquelle puise son essence dans le pouvoir d'amender les projets de lois initiés par le gouvernement. Il est clair que la présidence de la République et le gouvernement ont de tout temps interféré dans le travail du Parlement, à telle enseigne que cette instance n'est considérée, par le commun des citoyens, que comme une caisse de résonance. L'ascendant pris sur l'APN et le Conseil de la nation est toutefois pratiqué, jusqu'alors, dans le respect des apparences de l'indépendance des institutions. Le ministre de l'Intérieur, par ses dernières assertions, remet en cause ce principe dans le fond et dans la forme. Il donne, même, l'impression de chercher à intimider les députés. Autrement dit, il se serait conformé à la procédure. D'autant que le président de la commission parlementaire a indiqué, deux jours plus tôt, que “la commission ainsi que les délégués des auteurs des amendements ont jugé nécessaire de trouver des formules consensuelles sur les amendements qui suscitent la divergence, pour conserver la structure du texte”. Le cas échéant, le gouvernement à toute la latitude de retirer son projet de loi, s'il craint qu'il ne soit dénaturé par les députés, avant qu'il ne soit soumis au vote de la plénière. Deuxième option : laisser les membres de l'APN adopter la copie de la loi qu'ils jugent opportune en prenant en compte les amendements, puis actionner le tiers présidentiel au Sénat qui a la prérogative de bloquer tout projet qui n'est pas du goût de l'Exécutif. Souhila Hammadi